Des tags à la Mad Maxxx, des camions et des trains éclatés de peinture… C’est une opération de destruction massive menée par Shook et 2art à Paris.

Art ou vandalisme ? Faites vous une idée, on a rencontré ce duo de passionnés.

Pouvez-vous vous présenter ?

Shook : Je me suis mise au graffiti en 2003 à Paris à cause de mon entourage. J’ai été influencée très tôt par la calligraphie latine, la sinographie. Aujourd’hui, je développe plusieurs styles, plusieurs techniques qui explorent tag, le squelette de la lettre. J’aime exprimer différentes facettes de mon handstyle dans l’espace urbain. C’est libre et sans limite, la ville est un vrai terrain de jeu.

2art : J’ai un parcours un peu atypique. L’envie de peindre est venue à un moment ou c’était nécessaire pour moi. Dans mes recherches pratiques, je sortais que des prods abstraites, sales, maladroites très loin des belles lettres à l’américaine ou du style classique parisien. Pourtant, il y avait un aspect intéressant dans la dynamique du geste. Même si j’explore beaucoup de styles dernièrement, le dirty style reste ma première création. C’est ramener l’art du writing à sa plus simple expression basée sur l’intuition et l’action.

Peignez-vous toujours en duo ?

Dernièrement, notre complicité s’est vraiment intensifiée. On a même décidé de s’associer dans notre vie du quotidien pour d’autres projets que la peinture. On avait besoin tous les deux d’optimiser notre vitesse de production sur les plans. Il n’y a pas de raison précise, c’est juste une question d’affinité pure, on ne peut pas peindre avec n’importe qui.

D’où vient cette idée de projeter de la peinture et de tout éclater ?

Shook : On a eu envie de jouer avec les nouveaux outils à notre disposition. Quand j’ai commencé le fitigra, il y avait moins de modèles de caps, moins de couleurs, la gamme de matériel graffiti n’était pas autant développée. C’est devenu une évidence d’essayer ces outils et de les utiliser pour ensuite filmer et archiver certaines actions. En faisant la vidéo, on voulait garder quelques traces dans un premier temps, Il n’y avait pas d’autre but au final. Par la suite, quand Putsh nous a proposé le projet de vidéo, l’idée d’en faire un clip s’est construite naturellement.

J’ai kiffé la Madmaxxx. Cette spray permet de faire un tag XXL direct, c’est super efficace. Le cap est biseauté, un vrai bonheur. Dans cette vidéo, je ne propose qu’une amorce des possibilités qu’offre cette bombe à haute pression. Je voulais simplement faire des tags plutôt classiques, lisibles et efficaces.

2art : Mon écriture manuscrite n’est pas très jolie. C’était une galère de faire des délires propres. C’est la frustration causée par ma maladresse qui m’a donné envie de jeter de la turpein dès le départ. Le code de la projection en peinture est vraiment intéressant. Il correspond très bien à nos codes sociaux. Le spectateur reste dépourvu d’un message direct, c’est à lui d’interpréter l’acte artistique. J’ai fait d’une sale rature une vraie signature.

Pourquoi faire des freestyles ?

La notion de freestyle nous fait penser à l’identité graphique de Jonone. C’est pas le même délire. Nous, c’est du dirty style, la revendication et le message sont beaucoup plus violents. C’est une manière de vivre et un style pictural. On fait référence à la création primitive de l’art. On a envie de diffuser notre art et notre mode de pensée. On reste vandale car l’institution ne nous reconnaît pas pour l’instant. Pourtant on vit peinture et création au quotidien.

Comment ça se passe les camions à Paris ?

Ça se passe au feeling. On kiffe les camions car c’est le seul support de la rue qui circule, et où les peintures ne sont pas trop buffées. C’est aussi moins galère que les plans reureu ou métro quand t’es dans une démarche spontanée.

Une anecdote ?

La plupart du temps on a toujours fini avant d’être interrompu. C’est une question de chance. Dans le tunnel sous le manège de la Tour Eiffel, on s’est fait serrer, mais heureusement on n’avait plus les sprays sur nous, les keufs nous ont laissé filer.

Un message à faire passer ?

C’est le kiff avant tout, pour s’échapper du quotidien. Ce n’est rien d’autre que de l’amour débordant et sans prétention, un acte de générosité. Que les gens l’accueillent ou non, peu importe. C’est là devant toi, gratuitement, avec un style et une démarche. C’est une révolte inconsciente, une sale réaction de notre part face à la réalité de notre quotidien. C’est notre manière de dire qu’on dégueule sur certains codes sociaux pour mieux revendiquer notre identité.