En 2013, Detroit, cumulant près de 18 milliards de dollars de dette devenait la plus grande ville américaine en faillite.

Crise économique, chiffre du chômage en hausse permanente, abandon total des services publics ont transformé cette ancienne cité industrielle en vaste terrain vague. Pendant plusieurs années de nombreux writers américains et étrangers l’ont transformé en véritable galerie à ciel ouvert.

Mais attention, ici, pas de visites guidées de street art, ni de commissaires d’expo. La police ayant fui depuis longtemps Motor City, des quartiers se sont transformés en véritable zone de non-droit.

Certains en ont fait les frais, on se souvient du destin tragique de Zoo Project, lâchement assassiné pour l’équivalent d’un paquet de chips.

Revirement de situation en Décembre 2014, la ville de Detroit réussit à renégocier sa faramineuse dette de près de 18 milliards de dollars (14,47 milliards d’euros). Une partie des fonds libérés par la restructuration de la dette servira notamment à remettre en état les infrastructures urbaines.

La ville émerge peu à peu de la faillite, le taux de chômage qui dépassait 22% en juillet 2013 tombe autour de 10%. Profitant de la renégociation de la dette, le maire, Mike Duggan tente de donner une nouvelle image de la ville.

Subventionnée par l’État fédéral, la destruction systématique de centaines d’habitations et immeubles abandonnés est engagée, entraînant la disparition programmée de la plupart des graffitis.

Décidément très remonté contre le graffiti, apparemment jugé responsable de l’état de décrépitude de la ville, le maire en a profité pour créer un vandal squad local…

La ville a décidé de poursuivre les propriétaires de bâtiments sur lesquels figurent des graffitis, s’ils ne font pas appel à une société de nettoyage, le buff est désormais devenu un business florissant à Detroit.
En 2013 :

En 2016 :

Le graffiti est devenu un business à Detroit désormais, les employés municipaux sont payés pour repeindre, les propriétaires de bâtiments paient des amendes, et la municipalité se fait de l’argent avec tout ça.
-Dont

Il n’y a pas si longtemps, Detroit était considérée comme la capitale US du graffiti. Les writers pouvaient y peindre en plein jour sans risque de se faire arrêter.

Detroit était une ville fantôme. Ça ressemblait vraiment à une personne atteinte de troubles mentaux. Si tu es blanc et que tu te rends dans certains quartiers résidentiels, cela ne peut être que pour une seule raison : la drogue. Il n’y avait vraiment absolument aucune raison d’être dans cette ville à part pour acheter de la came, récupérer du métal ou peindre des murs.
-Droid

La police ne répondait qu’aux appels concernant des crimes violents. Autant dire que le graffiti était vraiment le dernier de leur souci. A l’intérieur des usines, des entrepôts et des écoles abandonnés, les writers locaux tels que Porab, Turdl, Elmer, Dont, Gasm découvrent le potentiel de leur ville bien avant tout le monde.

Revok est passé par Detroit en compagnie des MSK pour peindre, Begr et Haeler en ont fait leur lieu de résidence secondaire, multipliant les peintures un peu partout en ville.

Kuma a profité de ses multiples séjours pour décliner son throw up à l’infini.

La scène graffiti de Detroit a évolué au fil des années. Quand j’ai commencé à la fin des années 90, il n’y avait que 5 writers actifs en ville. J’avais vraiment du mal à faire venir des gens peindre. Tout ceci a définitivement changé il y a quelques années quand des writers du monde entier ont commencé à venir. Il y avait du graffiti sur 3 niveaux sur la plupart des murs.
-Dont

Un « rêve » qui a pris fin avec les destructions massives de bâtiments qui ont fait fuir la plupart des writers. Les agents de sécurité s’assurent désormais que plus aucun d’entre eux ne s’introduisent dans les ruines, qui doivent laisser rapidement la place à de nouveaux logements pour la classe moyenne et à un grand stade.

En 2016 :

Un exemple, parmi tant d’autres, de l’efficacité du buff :

En 2013 :

En 2016 :

Cependant, Dont apporte une touche de nuance à ce constat :

Attention à ne pas se méprendre, dans la plupart des quartiers, ça reste pareil. Il y a désormais quelques quartiers sûrs, ce qui est fantastique. Pour tous les artistes, il y a de nombreuses opportunités à saisir à Detroit, concernant le graffiti, cela ne dépend plus que des writers.

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