Nouveau saut dans le temps pour Doc et Marty. Cette fois, ils s’installent à bord de la DeLorean direction Montreuil, pour rencontrer Vision, oldtimer parigot aux multiples alias, qui fait ses débuts au milieu des années 80.

– Du calme, c’est moi. C’est moi, c’est Marty.
– Non, c’est impossible, je viens de te renvoyer vers le futur !
– Oui, je sais. Vous m’avez aidé à retourner vers le futur, mais me revoilà. Je suis de retour du futur !

1989 : Premiers lettrages Extase

Cette pièce a été réalisée pendant la Feria de Nîmes en 1989. J’y avais de la famille et j’y allais pratiquement tout les ans. Contrairement à Paris, les marqueurs et les bombes n’étaient pas encore sous vitrine, c’était la fête. C’est un territoire quasiment vierge, avec Scène5, un pote qui peignait déjà, on fait pas mal de peintures. J’ai pu voir l’explosion de la scène locale, c’était cool de voir cette émulation naissante. Ce graff a été fait à l’Aspect Chrome et à la Krylon rouge. J’ai ramené le chrome de Paris, j’ai péta la Krylon sur place. J’ai appris le lendemain de l’action que j avais peint sur le mur de l’École des Beaux-Arts. Bonne place !  Le graff est resté pas mal d’années avant d être repeint. Il me semble que je me suis inspiré d’un E d’Eros qu’il avait fait sur un flyer pour une Zulu Party.

1991 : Différent du reste

Durant ma période Dancehall, on organise des sound systems  qu’on appelle Différent Du Reste. Je kiffe un titre de Frankie Paul intitulé Hortical Don. D’où le blaze H.don que je simplifie parfois en Don. Grosse influence de Dero grâce à aux fanzines On The Run que Pseye récupère auprès de Mode2, ainsi que les premiers caps gris universels. Zebster en avait donné à Mode2. Pendant des années, on a appelé ces caps les Zebster. C’est aussi à cette époque que je commence à affiner mes lettrages. J’obtiens un rendu moins gras et plus dynamique.

1993 : La puissance du chrome

Pour faire partie des OC, il ne fallait pas se cantonner à une catégorie et ne faire que des terrains, des chromes ou du roulant. Il fallait tout faire. On faisait donc beaucoup de pièces en chrome le long du périphérique, des autoroutes et des voies ferrées, en parallèle de nos pièces en terrain ou sur trains. Il arrivait qu’on fasse trois, quatre pièces dans la soirée ou bien qu’on se fasse des graffs sur les voies entre plusieurs gares à la suite. Des pièces bien lisibles, grasses et propres. Sparvar et AutoK, le tout au skinny s’il vous plait, à l’économie. Parfois, on restait des heures sur un chrome. Pause splif, recul, on prenait notre temps.

1994 : Terrain d’aventures

Ce spot est à Montreuil. A la base, c’est un terrain vague où trônait un camion abandonné que je me suis empressé de peindre. En explorant le spot, je me rends compte qu’il y a un bon mur en parpaings au fond du terrain, juste la bonne hauteur et la bonne longueur pour peindre en équipe. J’ai dû faire plus de deux cents pièces dans ce terrain, c’est la maison. Il existe toujours. C’est l’endroit où on amène les étrangers de passage à Paris, on y fait des barbecues, des peintures en famille. Depuis une dizaine d’années, il a été récupéré par une association de quartier, c’est devenu un peu plus officiel et plus fréquenté. C’est une période où je faisais des persos Walt Disney pour accompagner mes lettrages. J’ai dû en faire une dizaine. Pour ce mur, c’est Kaa du Livre de la jungle. Les flammes et le fond noir, c’est le seul truc qu’on s’est imposé avec Pseye et Rest. Il me semble même qu’on avait récupéré la majorité du noir sur la bande qu’on avait faite en dessous. Durant cette période, on faisait souvent le contour intérieur des lettres en blanc.

1995 : Période trains

Ce train a été peint dans les dépôt des Ardoines avec Pseye, Keag et Flp. Rest nous emmène en voiture, mais comme il ne le sent pas, il repart. Du coup, impossible de repartir avant le premier train. On prend donc très largement notre temps. C’est le jour de mon anniversaire, je me dis qu’il ne peut rien m’arriver. J’ai pris plein de bombes pour en passer à Rest. On peut donc faire des grosses pièces. On sort de là au petit matin. On revient avec Pseye le lendemain après-midi pour prendre nos photos. Alors qu’on mitraille nos pièces, un maître-chien, sans son chien, surgit d’entre deux trains et nous braque avec un pistolet. On se met à gueuler et on part en courant pendant que le mec tire plusieurs fois en l’air pour nous stopper, ce qui accélère évidemment notre course.  On traverse les nombreuses voies avec les trains en circulation, pour se retrouver sur un parking dont toutes les issues sont fermées par du fil barbelé. Pseye saute, arrache les barbelés on ne sait pas comment. Je le suis et on se retrouve enfin dans la rue.

Les années 2000 : Fresques à thème

Période gros murs avec les MAC, c’est loin d’être ce que je préfère. Passer une semaine sur un mur ça me saoule. Heureusement, c’est contrebalancé par le kiff d’être entre potes et par la massivité du résultat final. C’était la première fois qu’on faisait un gros mur ensemble regroupant les OC ( Rest, Tore, Zeky) et les MAC ( Kongo, Juan, Psyckoze, Pwoz,  Alex, Lazoo, Popof). On a voulu montrer le contraste entre Paris, vitrine du luxe mondial et la réalité des rues de la capitale. On s’est inspiré du concept des graffs avec des marques comme ceux que peignaient les FC à New York. On a peint pendant une dizaine de jours, rarement ensemble en même temps. En fin de journée, on se retrouvait pour chiller, peindre un peu, voir les potes et l’avancée du mur.

« Derrière le luxe du riche se cache la misère du pauvre. »

C’est la petite phrase qui résume ce mur.

2013 : S’affranchir des codes

Fatigué des dégradés classiques, je me tourne vers un truc un peu moins académique. Je laisse tomber les règles de base, j’utilise les couleurs du remplissage pour la 3D, les couleurs de la 3D pour les contours. Je change les couleurs de mes contours plusieurs fois pour une lettre. Je décide de m’affranchir des codes classiques auxquels je m’étais tant attaché.

2014 : Patchwork de lettrages

J’ai fait une performance avec des potes sur un mur divisé en plusieurs triangles au lieu des classiques formes rectangulaires. La compo était cool, j’ai donc décidé de repartager ma partie en plusieurs triangles : dans le principal, il y avait mon lettrage en graff, dans un autre un morceau de flop, dans un autre une saturation de tags… Le résultat m’a vraiment plu, j’ai donc décidé de garder ce type de construction pour des murs en solo. J’ai utilisé cette figure de style pour une dizaine de murs, sur des toiles et pendant des festivals ou des performances un peu plus arty.

2017 : Expérimentations en atelier

J’ai eu envie de laisser tomber totalement les contours sans pour autant tomber dans un délire 3D, en laissant des vides dans les lettres et en jouant sur les contrastes de couleurs et les ombres tout en gardant le flow du premier trait. Ce graff a été réalisé dans la cour de mon précédent atelier à Montreuil. Ce mur m’a permis d essayer des choses que je n’aurais pas essayées dans la rue ou dans un terrain classique. Vu que j’étais quasiment le seul à voir mes peintures, je pouvais tenter des trucs sans me soucier du qu’en dira-t-on. Je pouvais aussi reprendre ma pièce le lendemain ou faire une pause d’une heure tout en ayant mon matos à disposition.

Pour cette pièce, j’ai utilisé des dizaines de fonds de bombes mises de côté pendant des mois. En premier, j’ai fait un squelette de lettrage avec un tag au fat cap Astro. Ensuite, j’ai pris la première bombe qui venait. Je l’ai percée pour obtenir les derniers millilitres de peinture que je projetais sur le mur sans vraiment réfléchir. J’utilise aussi des pulvérisateurs de jardin, des bombes Montana XXL et des caps aiguille. J’ai essayé de me concentrer sur l’énergie et le flow plus que sur le rendu final, en laissant une grande part au hasard et en laissant de côté la technique et la propreté qui caractérisent généralement mon travail. J’avais envie d’obtenir un résultat lisible et dynamique. Je vais en refaire d’autres le temps de stocker des fonds.

2017 – 2018 : Retour à la base

Il y a quelques années avec l’arrivée des fat caps Astro, je décide de me perfectionner dans différents style de tags en jouant sur la grosseur de trait et en essayant différentes choses : expérimenter les possibilités et les effets possibles, jouer avec la grosseur ou finesse des traits, combiner deux couleurs, voire trois dans un tag, travailler la lettre sans tomber dans la rigueur de la calligraphie. Et surtout montrer qu’un tag réalisé en quelques minutes peut avoir autant de style qu’une pièce faite en cinq heures.

2018 : Accumulation de lettrages

J’aime autant bomber que peindre, faire des pièces rapides et surtout en faire plein. J’avais l’habitude, je me suis calmé depuis, de faire un ou deux petits graffs et des flops dans les terrains où on peignait entre potes une fois mon graff fini. Un besoin et une envie de bomber et de pas passer des heures sur un graff mais d’en faire plein. Du coup, je me suis concentré sur une pièce faite en réalité, d’accumulations de mini lettrages et de throwups dans différents style. Ensuite, j’y ai incrusté des petites dédicaces à des potes, les crews…  J’aime le côté saturation, comme si plein de personnes différentes étaient passées sur le même mur à différents moments, et le rendu final très coloré.