Vans, Naw, Club… des dizaines de noms, mais une seule personne qui se cache derrière. Son alias principal ? Rap, tout simplement. Le temps d’une vidéo en collaboration avec Dirty Handz, le membre fondateur des U.V. revient sur une décennie passée à traîner sur sa ligne de prédilection, Paris-Saint-Lazare… PSL pour les intimes.

Flashback dans les années 90, avec une bonne dose de photos de graffs sur les trains bleus, les double-étages et les fameux petits gris, mais aussi beaucoup de photos d’ambiance prises autour de la Place de Clichy, un des points de ralliement du crew à l’époque. Le tout rythmé par un soupçon de poésie dans ce monde de brutes !

Pour en apprendre un peu plus sur ce parcours de vie, rencontre avec Rap.

Pourquoi cette vidéo ?

J’ai été contacté par l’équipe de la jeune galerie du Fugitif du quartier des Batignolles pour faire une exposition. Quand j’ai vu l’adresse, rue Lemercier, une parallèle à l’avenue de Clichy, forcément beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface. Je me suis dit que j’allais faire une expo de photos sur le passage de Clichy. En consultant mes archives, j’ai vite vu que mes photos avaient une valeur en tant qu’archives historiques, mais qu’elles n’étaient pas esthétiquement intéressantes. J’ai élargi mon champ de vision et de souvenirs, j’ai pensé à l’échelle du quartier, de la gare Saint-Lazare, au passage de Clichy en passant par Pont-Cardinet ou La Fourche… un quartier que j’ai vraiment beaucoup pratiqué à des époques différentes. Je me suis dit qu’une vidéo serait plus pertinente que des photos.

« Parcours », pourquoi ce titre ?

Je me suis remémoré toutes ces journées passées dans ce coin de Paris. J’ai vu ça comme un parcours de santé, un parcours quotidien, comme les parcours sportifs, balisés, avec des points auxquels tu dois faire des exercices particuliers. Dans mes parcours, les points de balisage étaient complètement différents. Il y avait plein de petites épreuves, une aventure dans la ville. Elles étaient différentes selon les périodes : trouver des bombes, peindre, prendre des photos, piquer de quoi manger, boire des bières, fumer des joints, rejoindre des potes dans des squats, dans les parcs, devant des lycées. Il est aussi question du parcours d’un artiste, ça doit être du solide. Aujourd’hui, on nous propose un grand nombre d’artistes street art ou issus du graffiti sortis de nulle part, n’ayant absolument rien fait, de purs fous, ou des malins très intéressés.

Comment as-tu rencontré l’auteur de Dirty Handz ?

Je vois ses graffs et je les prends en photos depuis 1995. Je l’ai croisé une fois ou deux à Saint Laz’ en 2000/2001, je l’ai revu à plusieurs reprises chez Orel entre 2003 et 2006. Enfin, on s’est revu aux obsèques de Saeio en Août dernier.

Pourquoi avoir rythmé la vidéo en plusieurs parties ?

J’ai eu l’idée générale de la vidéo, j’ai écrit un texte qui finalement ne me plaisait pas. A la dernière minute, je n’ai dit que les mots clés. Il n’y a eu qu’une seule prise, on était tout les deux pris par le temps. J’ai ensuite fourni les photos à DHZ et je lui ai donné carte blanche pour le montage, il pouvait chambouler totalement l’ordre des mots. Il a fait son truc, c’était à lui de de répondre.

Quelle est pour toi l’importance de PSL, Place de Clichy et du passage de Clichy ?

PSL, c’est ma ligne, j’y ai vécu pendant vingt-neuf ans. Personne ne l’a exploitée comme je l’ai fait, pendant quinze ans. La seule autre personne qui a vraiment fait son truc sur PSL – et la branche RER A gérée par PSL – sur le long terme, c’est Opak, mais on l’a fait chacun à notre manière. Moi, je ne travaillais pas, je traînais toute la journée, à prendre des photos, repérer des plans, taguer et je voulais peindre dans le plus d’endroits possibles, exploiter le moindre layup, une voie plus romantique. J’y ai trop de souvenirs, j’y ai vécu le graffiti comme je pense qu’il devrait être vécu en Europe, ou en tout cas, comme il devait être vécu à Paris entre 1990 et 2005.

Qu’est-ce qui a changé depuis les années 90 ?

Les modèles de trains ont changé. Les gris étaient magnifiques, les double-étages dans leurs deux premières livrées avaient leur charme. Il n’y avait pas internet, c’est arrivé progressivement à partir de la fin des années 90. Internet à l’époque, c’était les fanzines. Ensuite les premières vidéos graffiti ont vu le jour, notamment Dirty Handz, ou Ultimate Vidéo à laquelle j’ai participé. Le jeu a changé avec internet, les réseaux sociaux. Tout va plus vite, mais il peut être tout aussi beau aujourd’hui. C’est aux artistes d’en faire quelque chose de fort. Chaque génération apporte sa pierre.

La nostalgie, camarade ?

Je ne suis pas du tout nostalgique, j’ai vécu des choses très fortes. J’ai une bonne mémoire alors j’essaye de partager ces histoires à ma manière, pour faire avancer les choses dans la bonne direction. Aujourd’hui, j’ai deux enfants, je suis très proche d’eux, je m’en occupe tout le temps, je vis ça de façon intense. Artistiquement, j’ai plein de choses à dire, j’atteins peu à peu une maturité. Les quinze années passées dans le graffiti ont été vécues de façon innocente et instinctive, c’est ce qui m’a construit jusque là, mais je continue d’apprendre tous les jours. On n’est jamais arrivé.