Je vis en région parisienne depuis 2012 mais je viens de Tarbes, capitale de la Bigorre au pied des Pyrénées. A la fois ouvrière et débordante de talents artistiques, la ville baignait dans le hip hop et était connue et reconnue dans le milieu comme étant l’un des derniers bastions de la Zulu Nation.

Mon modeste parcours a débuté lorsque j’ai commencé à écouter du rap vers 1992 au collège et découvert les premiers graffitis dans ma ville. Je voulais contribuer au truc. J’étais reconnaissant envers la culture Hip Hop et je voulais en faire partie. M’épanouir en étant différent des autres c’était ça que je voulais. Alors je dessinais dans mon coin et je passais souvent deux bonnes heures à gommer et re-gommer juste pour une seule lettre… J’avais pour modèle les locaux Snake, Maze, 93Eska qui étaient des surdoués. Les fanzines étaient plus que rares mis à part quelques photocopies en noir et blanc qu’on se démerdait à trouver… Vers 94/95, je m’entraînais sous un pont d’autoroute entre Tarbes et Pau à écrire des Peace, des Yellow Boy… Mais je galérais beaucoup trop. Puis en 96, mon ami Shad me dit que Tilt va passer pour un projet avec des jeunes dans un foyer de quartier. J’avais décidé de m’y pointer, même si ma fierté ne voulait pas. Ben j’ai bien fait…

#1 Miam !

Après Yellow, j’avais changé de blaze pour mes activités nocturnes. C’était à peu près entre 1999 et 2004. Vu que tout le monde m’appelait Yellow à Tarbes ça le faisait pas… Donc Miam car je kiffais les M et les A… et puis c’était fun comme nom. Entre 2000 et 2001, je vivais à Montpellier. Mise à part Rekyn, grâce à qui j’ai rencontré mon copain Ogrz, ou encore Ist, j’ai fait très peu de rencontres positives… Entre les mecs qui parlent, les mythos, les bléouètes, les bipolaires et ceux qui faisaient les stars… Bien qu’aujourd’hui je trouve cette ville ultra cool, je ne la voyais pas d’un bon œil à l’époque. Il me tardait simplement de rentrer chez moi à la fin de chaque mois pour retrouver mes potes. Jusqu’au jour où je rencontre dans un spot deux frères qui étaient tellement sympas que sans même savoir ce qu’ils faisaient, je leur avais proposé qu’on peigne ensemble. C’était Kew et Finda. Techniquement, j’étais devenu tellement feignant que je ne faisais plus de sketch mais j’arrivais à faire des wildstyles en impro. Autant dire que c’est plus pareil aujourd’hui lol. Cette pièce était le début d’une belle amitié qui a continué son chemin jusqu’à ce qu’on fonde le 65ERS. On a inclus dedans Heaks65, Siny, Kone, Mezy, Yak, Ger, Kras, Geb, et Jadis par la suite. Par ailleurs, dédicace à Bule et une pensée à Rekyn, qu’il repose en paix.

#2 Coursade fantôme

Un dimanche, huit heures du mat’ environ à Toulouse, en sortant d’une soirée dans une vieille boîte de nuit pour cassos, je sors de là avec mon pote Rime, puants de clope et de transpi dégueulasse. On se dit que ça serait cool d’aller se taper un train tant qu’on est chauds. Entre deux roulants, on peint tranquillement lorsque tout à coup à deux mètres de ma pièce, une pierre de la taille d’un ballon de foot se fracasse sur le wagon. On se fout sous un wagon pour regarder mais on ne voit personne. On sait que des mecs en bleu ne sont pas loin mais personne n’aurait pu faire ça… mis à part peut être un mec qui s’est planqué… Ni une ni deux, on s’échappe du dépôt et on court à fond sans regarder derrière nous pendant plus de dix minutes jusqu’à ce qu’on soit dans un endroit sûr… bien que que je me sois fait attraper plusieurs fois pour du graff et du tag, cette histoire est malgré tout une de mes expériences les plus étranges et flippantes dans le graffiti.

#3 Zulu Anniversary New York

Vers 2007, je m’étais fait remarquer par des membres de la Zulu Nation new yorkaise et hollandaise par le biais de Myspace, car je montais énormément de projets pédagogiques autour du graff et du hip hop dans le milieu social et carcéral. Un peu plus tard, j’animais aussi des battles de Bboying au micro, manière de faire passer le message à ceux qui ne regardaient pas mes graffs. Un jour, King Bom5 et Queen Chacha du Bronx m’invitent via Myspace à venir fêter avec eux les 35 ans de la Zulu Nation à New York. Là, je tremble… J’ai envie… J’ai pas de sous mais je veux y aller et je vais y aller, rien à foutre. J’en parle à mes potes tout ça et puis on se retrouve à y aller à 7 ! Avec les conseils de la merveilleuse new yorkaise Lauren aka LBoogie, on se retrouve au fin fond de Brooklyn avec Run DMC, Public Enemy les Black Panthers, à nos côtés, des Zulus du monde entier étaient présents dont l’un des pionniers du hip hop en Europe, Phil Fourmi venu tout droit de Belgique avec son équipe. Les connexions internationales se créent et moi j’y crois encore plus… Vraiment beaucoup plus… Puis au lendemain de cette soirée mémorable, nous allons à la rencontre de Meres, le gardien du regretté Five Pointz où nous avons pu partager un super mur entre amis. « My president is black! » pouvait-on lire sur les t-shirts de certains afro américains fiers. Obama venait d’être élu président, Alicia Keys sortait son « New York State of Mind » avec Jay Z… Avec mes amis Heaks65, Kak et Greg Dollz entre autres, les conditions étaient magnifiques pour apprécier New York pour la première fois en ce mois de novembre.

#4 Entre les gouttes

Il est vrai que lorsqu’on vient du sud et qu’on part voir les parisiens, on aime bien dire que là-haut on se les pèle et que chez nous il fait tout le temps beau. Sauf que c’est pas tout le temps comme ça. Tarbes, c’est genre zéro le matin et vingt-cinq l’après midi. Autrement dit, pour choper la crève c’est pas mal. « Oh mais y a la qualité de vie à Taaaaarbes ! » Mais bien sûr qu’il y a la qualité de vie… Des loyers pas chers, tu peux acheter une maison à 80 000 euros, y’a les montagnes à côté, la mer pas loin… et la pluie ! Demandez donc à la bande à Kanter venue du Pas-de-Calais pour passer des vacances pépères au soleil. C’était l’été 2011 et j’ai mis pas moins de quinze jours pour faire cette pièce entre quinze averses incessantes.  Super.

#5 Tanguy Forever

C’était en 2013, un jeune B.Boy de chez moi passe dans 7 à 8 sur TF1 et témoigne de son combat contre le cancer. Il explique qu’il est en état de rémission grâce entre autre, à la danse qu’il pratique avec amour et rage. Je n’avais jamais vu un témoignage aussi courageux et aussi positif de la part d’un gamin pareil. Quelques semaines passent et il perd son combat contre cette saloperie. Il est un exemple pour tous ceux qui ont une passion qui les fait tenir debout. J’en fais partie. Dédicace aux danseurs de Lourdes, Dans6T et toute sa famille. Ce mur est pour lui. REPOSE EN PAIX TANGUY.

#6 WIRSINDFRESH!

C’était la deuxième fois que je partais à Berlin. A cette époque, j’avais jamais vu une ville aussi cool ! On croirait pas comme ça mais franchement le fait que l’hiver y soit si rude et si long, la moindre ensoleillade et vas-y que ça sort pour faire des barbeucs et profiter des terrasses ! J’adore tellement cette ville que j’y suis allé six fois. Les gens sont hyper accueillants, toujours motivés pour peindre, pour boire un coup, faire la fête etc etc. Si vous vous y pointez un jour, je vous conseille d’y aller l’été – coups de soleil garantis – et de vous rendre au Shop Yard5 où mon bro Chris vous proposera de boire une bonne bière bien fraîche ou un Schnaps tandis que le poto Dejoe vous conseillera sur les sprays et tapera un sketch avec vous sur la table dehors. Un vrai réseau social ce shop. J’ai eu la chance de participer plusieurs fois à leur fameux Yard5 Summer Jam et j’ai rencontré de vrais membres de ma famille hip hop comme Timski, Blitzer, Abba de Hollande, Joe Conzo, légendaire photographe Born in the Bronx et de belles amitiés comme Tom, Laure, Pekor, Tilda, Halim, Borke, Weam, Town… Dédicace à Sader en passant !

#7 TCHIMBERAIDPAMOLI

Mon premier mur en Guadeloupe avec mon bro Siny que je connais depuis quasiment vingt ans. On s’est fait vachement plaisir sur cette impro ! j’ai beaucoup d’attaches là-bas. C’est durant ce séjour que j’ai rencontré, entre autres, mes bons vieux Obsek et Mizer avec qui je peins la plupart du temps sur Paris plus quelques gros apéros entre temps. On a quitté la Guadeloupe, mais la Guadeloupe est toujours au comptoir chez moi  avec un peu de citron vert et du sucre de canne ! Une pensée à mon ami Iwo et tous ceux que j’ai rencontré là-bas. Une spéciale pour Gigi, Isaiah, Doudou et Polo. Foss aux writers !

#8 MOTHAIBAVO!

En 2017, je franchis enfin le pas et je décolle pour le pays de mes origines, le Vietnam. J’arrive à Hanoï, je me sens bien grand pour une fois. J’avais pu capter Mate2 par le biais d’Instagram. J’ai pu peindre un mur avec lui. Mais peindre avec des caps femelles ben c’est pas la teuf. Une fois, arrivé à Saïgon et par les conseils de Disek via Instagram toujours, je rencontre Suby des TPK qui est franco-vietnamien et qui vit là-bas. Il m’a fait rencontrer beaucoup de monde sur les trois fois où j’y suis allé. Je connais pas mal de mecs comme Nasty, Syle, Tayone, Phat par son biais. Alors voilà, j’ai pu faire ce graff avec des bombes du bled. Les traits sont frêles, les lettres bof bof mais voilà, c’était un mur pour ma Mamy chérie et ma famille. Alors je reviens sur Paris encore plus fier. Je rencontre Jungle et Lyre, je deviens par la suite membre des 3AD, crew de parisiens d’origine asiatique.

#9 Attention aux vagues

Fin 2017, j’étais parti me perdre au Pays Basque. Avec mes amis Heaks65 et Nize, on a voulu faire comme tous les graffeurs, peindre un blockhaus. « Venez j’ai des chromes, c’est vite fait ! » Ok ok, on y va, il pleut pas pour une fois et on commence à bombarder. « A m’ment donné », l’eau nous arrive à un mètre environ, recule en suivant et se fait oublier. Bien sûr qu’on se méfie de l’océan mais quand on peint, on a la confiance. Jusqu’au moment où l’eau nous arrive jusqu’aux genoux d’un seul coup et commence à vouloir nous aspirer et embarquer les bombes, sacs, papiers et appareils photos ! On a réussit à terminer le block, mais alors franchement, quand vous voyez tout votre matos monter du sol d’un seul coup et se faire embarquer par la mer, ça fait peur…

La séquence est à 2’20 :

#10 Hip Hop

J’ai fait ce mur avec Siny. Ce mur représentait mon combat pour le respect du hip hop avec une pointe de fun. C’est notre vision du hip hop. On s’éclate, on s’amuse et on grandit avec. On avait même monté Les Ourz, antenne Zulu qui réunissait le noyau du dur de toutes les disciplines du hip hop du grand Sud Ouest. Le souci, c’est que beaucoup sont opportunistes, d’autres s’en moquent, d’autres le ternissent et le rongent de l’intérieur comme ils ont fait chez nous – d’ailleurs, je ne les oublie pas. Et ça, j’aime pas. Je déteste même. Mais bon, ça m’appartient pas et l’histoire que raconte ce mur montre qu’on ne doit pas baisser les armes face aux imposteurs. Mais ils sont beaucoup trop nombreux. Et l’époque d’aujourd’hui montre que le hip hop va dans ce sens. Le point positif, c’est que les jams que j’ai organisé en région parisienne ont rassemblés énormément de graffeurs. Et ça, ça fait du bien ! Alors, faisons au mieux à notre échelle en se prenant un peu moins la tête, surtout moi.

#11 Quarante piges

Aaaaaahhhhhh si j’avais pu publier tout le mur en entier… Je n’oublierai JAMAIS ce weekend à Toulouse. Grand merci à :
Nat, Finda, Kaise, Tworode, Mizer, Mezy, Heaks65, Siny, Might, Fish, Reso, Toncé, Candi, Geb, Kone et tous les copains qui sont passés faire la bise. Je vous souhaite bien de fêter vos 40 ans comme ça ! Par contre les odeurs de KFC dans la vago, moyen lol.

#12 Hamdoulah ça va mieux

Il y a quelques mois, j’hésitais à arrêter le graff car je m’en lassais sérieusement. Alors, rien de mieux que d’aller au mariage de mon ami Medhi à Meknes pour me changer les idées et me cramer la nouille au soleil ! A force de squatter les piscines et les jus, je vois ce magnifique mur vierge. Je me dis « un graff là et je suis aux anges nom de dieu !!!!… ah non j’ai arrêté… quoi que ?…» Je remarque que très très peu de voitures de police circulent dans la ville. Étonnant. Je demande aux collègues qui me répondent qu’ils ne passent pas souvent. Allez hop, au magasin de bricolage du coin, je peins le graff, je repasse cinq fois les contours noirs tellement c’était transparent, quatre dédicaces pour les passants qui me regardaient faire et voilà. Félicitations aux jeunes mariés et merci pour les souvenirs. Bref, j’ai pas arrêté finalement !

Plus de photos de Yellow ici.