J’ai commencé le tag en 1988 à Brest, grâce à San 93MC -merci mec !- qui avait tout cartonné à l’époque. C’est à cette époque que j’ai commencé à taguer dans mon quartier seule la journée, puis avec mon voisin de temps en temps. Ce n’était pas facile à l’époque de trouver des marqueurs ou des bombes. Début 90, j’ai découvert une partie de la scène parisienne grâce à 1Tox, et le hip hop avec l’émission Rapline. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Acy avec qui j’adorais faire des sessions fat cap.

En 97 je me suis mise sérieusement au graff. Je suis partie à Rennes, j’ai rencontré Dyos puis Jone et Moris – qui m’a fait rentrer SM – et enfin Malis avec qui j’ai beaucoup peint principalement dans la rue.

En 2001 j’ai rencontré Foser. Quelques mois plus tard je suis partie vivre à Bordeaux. J’ai changé mon blaze Deze pour Dayz qui est devenu Dyva. J’ai perdu énormément de photos de l’époque où j’ai vécu en Bretagne. J’ai fait un reset, je suis repartie de zéro: graffiti, boulot, amis… Les CV m’ont accueillie, je peux dire d’eux que c’est ma famille. Mon rythme de peinture s’est accéléré : tous les jours ou presque, tous supports confondus, surtout des trains. Cette époque était dingue, les panels tournaient grave, on allait en gare juste pour les voir tourner et fumer des bédos. Dans les dépôts il arrivait souvent que les trains soient déjà peints par notre équipe, d’ailleurs il est arrivé quelques fois qu’on doive se repasser.  J’ai plein d’anecdotes, mais la pire sera toujours celle du dépôt en Italie où les mecs sont sortis du train en hurlant… J’entends encore leurs coups feux pendant qu’on courait, c’était irréel.

A l’heure actuelle, je peins toujours, toutes les semaines, avec plusieurs noms : tantôt neutres, tantôt féminins. Je fais plus de terrains qu’avant, mais je continue aussi à peindre rues, trains, voies ferrées etc, principalement en Europe : Espagne, Italie, Grèce, Roumanie, Allemagne, Autriche, Portugal… J’ai beaucoup peint mais il n’y a qu’une poignée de pièces qui me plaisent réellement, j’imagine que d’être insatisfaite la majeure partie du temps me motive encore plus.

#1 TGV en solo

Un soir d’été à Brest, il y a une vingtaine d’années, des potes de l’époque me proposent d’aller se faire un dépôt. Ils ont une voiture, c’est cool ça va me changer. On reste une heure sur le plan, tout se passe bien. En quittant l’endroit on passe devant la gare, les TER sont mal placés, et un peu plus loin il y a un TGV. J’ai envie de le faire mais mes potes sont fatigués. Je leur demande s’ils peuvent m’attendre dans la voiture, je n’en n’aurais pas pour longtemps. En vrai le plan est tout pété: un passage à niveau tout près de la tête que je peins, et des habitations derrière moi. J’ai tapé vite, sans quitter des yeux le PN. J’ai eu de la chance, surtout que ce TGV a bien tourné : à Paris, à Hendaye… Merci encore les gars de m’avoir attendue.

#2 Le supermarché

J’ai fait pas mal de trains parisiens, mais je les ai tous faits en province. Mon dépôt préféré dans les années 2000 c’est celui qu’on avait nommé le supermarché, un gros technicentre avec des trains de partout : du jaune et chrome, du bleu et chrome, du inox portes rouges/ portes bleues, portes enfoncées, non enfoncées… Bref un plan de rêve. Ce jour là on tombe sur le nouveau transilien, neuf, pas encore livré, il y a même des plastiques sur les sièges. On fera trois panels, comme à notre habitude, cette fois-ci ce sera deux parisiens et un Provence-Cote d’Azur. Ce fût l’un des derniers moments magiques du supermarché.

#3 Gilles et Pamela

Un soir d’hiver avec mon binôme et notre meilleur pote (R.I.P.) on se motive à retourner au plan du supermarché. L’ayant bien cartonné, on a laissé le spot reposer. Sur la route notre pote déjà bien bourré nous dit qu’il va dormir un peu pendant qu’on va checker. On le laisse donc roupiller. Ca fait dix minutes à peine qu’on est sur le plan lorsque l’on tombe sur un maître-chien :
– Qu’est ce que vous faite là ? Nous lance-t-il…
– Ben on voulait couper pour rejoindre le centre-ville !!!
– Vous n’avez pas le droit d’être là, veuillez me suivre !
On n’a pas de bombes sur nous, c’est déjà ça. Sur le chemin, dans le dépôt il y a encore des panels à nous. Comme une rétrospective. On arrive à l’entrée de son bureau :
– Il va me falloir vos noms prénoms et votre adresse.
On lui donne des faux noms et prénoms Lola et Gilles ainsi qu’une fausse adresse. On évitera le commissariat de justesse. Arrivés à la voiture notre pote nous demande si c’est cool… Non, le supermarché c’est fini.

#4 It’s possible a photo?

En Espagne, un après-midi d’hiver, mon binôme et moi découvrons des rangées de vieux Cercanias oranges, des camellos. Le spot paraît paisible. On part pour deux panels. On attaque le premier tranquillement, puis le second. J’ai fini et j’attends mon binôme, quand soudain je vois une personne en noir en bout de train. J’avertis mon binôme, il a presque fini de toute façon. Quelques minutes plus tard je vois quatre pieds de l’autre coté du wagon où il peint. Heureusement il a fini, malheureusement on ne peut pas s’échapper, la seule issue étant une porte de train ouverte. On se cache dedans, mais cinq minutes après, on entend des pas qui se rapprochent. On est foutus : un policier et une vigile sont en face de nous. On ne cherche pas à batailler. Au moment de sortir du train on leur demande si on peut quand-même prendre nos photos. Le flic acquiesce, il me prend le sac de bombes quasi-vides. Et voilà un superbe cliché du panel, avec le flic qui pose avec les peintures et la vigile à coté. Puis, tranquillement, ils nous raccompagnent à la voiture. Histoire classée sans suite !

#5 Backjump incompréhensible

Les trains Espagnols c’est toujours compliqué, il se passe toujours un truc qui fait que tu dois courir. Cet été là on se fait un road trip en Espagne : d’abord Barcelone, ensuite Madrid. A Barcelone on a un pote espagnol qui nous propose un backjump. On se donne rendez vous dans un bled. On est tous un peu à la bourre. Les espagnols nous disent que ça va être juste mais on le tente. Il fait très chaud, on monte par des broussailles jusqu’à un quai. Le train est déjà là. Je jubile c’est le remodelo, je n’ai fait que les esperos. On doit être six ou sept sur le plan. Je peins vite, pendant ce temps je vois mon pote espagnol glander et prendre des photos d’action, quel phénomène ! J’ai fini, et mon équipe aussi. D’un coup les espagnols commencent à courir. On fait pareil, je crève de chaud avec mon sweat, et puis ça me saoule de courir, y a personne derrière. Je m’arrête pour enlever mon sweat, mon binôme me dit magne-toi. En retrouvant les espagnols, on demande qui a pris des photos des panels finis… personne. J’ai rien compris ce jour là. On a continué notre route, et par un des plus grand hasard vers Teruel on s’arrête à une gare… Notre train est là ! Au moment de prendre la photo le train se barre, on aura finalement qu’une vidéo très floue et quelques photos d’action de basse qualité. Je ne saurai jamais pourquoi on a couru.

#6 Foutez moi la paix

Ça fait maintenant longtemps que je peins de tout : VF, routes, panels, rue, murs, que ça rentre dans la case vandale ou non. L’été j’apprécie de faire des murs couleurs après le taff, toute seule. Mais je suis arrivée à un point où je ne supporte plus de peindre des spots trop accessibles au public : les gens te prennent en photo sans ton autorisation telle une bête de foire, on n’est pas au zoo. Ce jour là je suis particulièrement de mauvaise humeur : je me suis niquée le genou et j’ai mal depuis des semaines, le premier qui me prend en photo je l’embrouille. J’ai boité jusqu’à cette petite ruelle, pour avoir la paix. J’aime cet endroit parce qu’il n’y a personne, à part de temps en temps d’autres graffeurs. Çà fait dix minutes que je peins et je sens une présence. Un homme avec son appareil photo, putain mais c’est pas vrai ! Je lui lance un regard noir : pas de photo lui dis-je sèchement. Il part… enfin seule. Ah ben non, un groupe de touristes anglais déboule et mitraille la rue de photos. Je bouillonne ! J’attends qu’ils passent. Deux Despé plus tard, finalement je finirai enfin tranquille cette pièce. Je pense qu’on sent bien l’énervement dans mes lettres. Je voulais juste avoir la paix.

#7 Ça suffit bordel

Pour faire écho à l’anecdote précédente et toujours dans l’idée d’être peinarde pour peindre, on se décide à retourner dans un vieux spot en périphérie de Bordeaux. Spot caché, difficile d’accès, dans un lieu paumé somme toute. On s’est constitué une fine équipe ce jour là, des bières, biens décidés à passer un bon moment entre nous. Les murs sont chiants pour l’accès, il faut utiliser une échelle et escalader. Avec ma petite taille c’est un peu l’enfer mais les copains sont toujours là pour m’aider. On va être bien… ou pas ! Ça fait dix minutes que je peins quand j’entends un bruit, comme une espèce de gros moustique métallique. Putain de bordel de merde c’est quoi ça encore ??? Un drone ! Je suis hystérique, j’ai envie de la fracasser à coup de pierres. Pas moyen qu’on me filme à mon issu, je préfère me cacher. Au bout de trente minutes il fini par se barrer. Enfin tranquilles.

#8 Anniversaire pluvieux

Pour fêter mes 43 ans, je propose à mon binôme d’aller faire quelques panels en Allemagne. Sur le chemin, on s’arrête à Belfort pour manger mais il est tard, on se retrouve à galérer sous une pluie battante. On est archi-mouillés, on va passer le voyage avec des fringues et des chaussures trempées. On arrive à Francfort le lendemain, on repère plusieurs plans, dont un où il faut traverser des buissons de ronces. Mon pantalon est déchiré et trempé, mais la motivation est là. On retourne le soir sur ce plan : on trouve un accès beaucoup plus loin et plus cool, par contre la pluie battante nous suit. J’attends dans les buissons avec la peinture, le temps que mon binôme rechecke le plan. Les trains sont encore en circulation, on se donne dix minutes. Ce sera six minutes de magie… interrompues par un train arrivé de notre coté, il est temps de partir et vite. On se sépare, je pars cacher la peinture, pendant que mon binôme prend les photos. Sur le chemin pour retourner à la voiture, il m’avouera qu’il y avait des capteurs mais qu’il ne savait pas s’ils était allumés. Ça ne sera malheureusement pas le seul plan avec des sensors sous le déluge !

#9 Les cubis de rosé

Le 31 janvier 2019 on renarde pour trouver un nouveau spot avec des stores. On y va aux gaufres, on se fait de suite interpeller par un gars un peu costaud avec un gilet orange, qui nous demande ce qu’on fait là. On lui explique qu’on aimerai peindre sur les stores. Le gars n’est pas chaud, il gardienne le site. Au bout de plusieurs longues minutes de négociation par je ne sais quel miracle, il finit par dire « ok, mais soyez discrets ». Tout se passe nickel, il n’appelle pas les flics. Du coup on y retourne régulièrement et on sympathise. Quelques semaines plus tard, l’autre personne qui gardienne aussi m’interpelle : j’ai quelque chose pour toi ! Elle revient avec deux cubis de rosé ! Bonne journée assurée.

#10 L’avant-confinement

Il n’y a pas d’anecdote particulièrement pour cette photo, juste je l’aime bien, ça fait Illustrator, c’est ce que je recherche. Si on m’avait dit ce jour là qu’on serait quelques mois plus tard, plusieurs pays à être confinés, je ne l’aurais pas cru.

#11 Covid-19

18 mars 2020 : la France est confinée. On perd momentanément nos libertés. Mais de mon côté impossible d’arrêter de peindre pendant cette période. Ma santé mentale en dépend ! Je ne veux pas créer la polémique, c’est bien, c’est pas bien de peindre pendant cette période, chacun pense ce qu’il veut. Quand je fais du graffiti vandale, je peux me faire arrêter alors pour moi cette situation revient au même. C’est risqué, va falloir être maline. J’ai rôdé ma stratégie, fait plusieurs pièces sans problème jusqu’à cette dernière semaine de confinement. Un soir on repart pour faire une tôle de chantier avec mon binôme. On connait ce plan, ça s’est bien passé à chaque fois. Sauf cette fois de trop peut-être… On peint depuis deux minutes quand on entend les sirènes des flics, puis une portière claque tout près de nous. On se barre en courant pour se cacher dans le terrain vague collé au plan. Impossible de sortir car deux gars arrivent – des flics ou des vigiles, on ne saura jamais. « Ils se sont barrés en courant » dit l’un d’entre eux. On les voit, on est mal cachés. Comment va-t-on sortir ? On les entend parler, ils sont à côté. On réfléchit, mon binôme veut partir à gauche mais si sortie il y a, c’est loin. Je lui propose de partir à droite, je suis sûre d’avoir vu un accès. On y va, on rampe dans les ronces, on fini par arriver à une sortie. On refait nos attestations, on se trompe d’heure, on trafique les chiffres ça ressemble à rien. Sur le chemin du retour on voit les flics contrôler toute ce qui bouge, on est obligé de passer par là pour rentrer. Merde… On esquive en faisant le tour d’un pâté de maisons, en espérant un tram pour renter, service terminé. OK… On regarde au loin, il s’est écoulé 15 minutes, les flics sont partis ! On va enfin pouvoir rentrer.

#12 Covid-19 suite et fin

Le lendemain, ne voulant pas rester sur l’échec de la veille, on décide d’aller peindre notre spot à stores; il y a des gardiens mais on les connait. On a convié deux copains, tout en respectant les gestes-barrières. On fait plusieurs pièces tranquille, tout se passe bien, enfin ! Après la peinture, nos deux potes proposent de partir avant nous pour plus de discrétion. Au loin on les voit escalader l’entrée… Qu’est ce qu’il se passe encore ? On décide de partir à notre tour, et on se rend compte que les gardiens ont cadenassé l’accès et sont partis, ils ont cru qu’on n’était plus là manifestement. Seulement il y a deux problèmes : les flics tournent dans la rue qui donne sur l’entrée, et on est chargés. On est enfermés, on cherche en vain une sortie qui s’avère compliquée mais pas le choix, on va encore devoir se frotter aux arbustes de ronces, des arbres tombés, des trous au sol. Après trente minutes on arrive enfin à sortir. Quand t’as la poisse…

Plus de photos de Dyva ici.