Je suis originaire de la banlieue sud, né en 1986. J’ai commencé à peindre en 2001. À l’époque c’était le RER C, les trains des UV, les RDK et tout ce qui défilait par la fenêtre qui m’a ouvert les yeux et donné envie de dessiner des lettres. Depuis il n’y a pas une journée où je ne griffonne pas, où je ne suis pas en train de tracer des lettres dans l’air avec mon doigt…

Chaque photo que j’ai choisie est une référence à une époque, des personnes ou une étape dans ma recherche en peinture. Comme je n’ai jamais été un gros vandale, je vais parler de ce que je connais. Ma recherche de la lettre, des couleurs, du flow, et des bons souvenirs.

#1 93200

2000-2001, je cherchais tout ce qui pouvait m’introduire au graffiti. Aucun de mes potes n’étaient dedans, il fallait que j’aille chercher ailleurs par moi même. J’avais tous les Radikal et tout ce qui pouvait être une connexion avec la peinture. Un jour je me pointe à un vernissage chez Agnès B. – bien cliché je sais – et j’y fais la rencontre d’un photographe qui me passe le 06 de Marko93. J’avais révisé mon Kapital depuis déjà quelques années et avoir ce numéro, c’était irréel. Bref, j’appelle Marko, il me propose de passer à St Denis, les voir avancer sur une grosse fresque qui regroupait pas mal des 3DT. Fresque de ouf avec des lettrages, des détails minuscules, trop de couleurs, un travail de plusieurs semaines qui m’a bien tapé la rétine de mes quinze piges. Marko me conseille ensuite d’aller à la MJC de St Denis, où plus tard je rencontrais Skofe et Akso, et plein d’autres personnes devenues des potes ensuite. J’ai retrouvé sur Google Maps le mur qui existe toujours… Comme nous, il a pris un petit coup de vieux !

#2 Rat d’opéra

Les années qui ont suivi je peignais MOGA. Je traversais la banlieue, du 94 pour aller à Saint Denis ou Sarcelles tous les week-ends. C’est à cette période que j’ai pu rencontrer tout un tas de têtes aux styles différents. J’étais souvent le plus jeune, ça ne faisait que quelques années que je peignais vraiment et je me retrouvais sur des enfilades de blazes. C’était l’époque des bandes archi longues où ça se prenait la tête à suivre des couleurs etc. Ça mettait bien la pression je me rappelle !

Sur cette tof, deux murs réalisés à la patinoire de Sarcelles. J’en profite pour saluer tous ceux qui participaient à la fête : Panks, Bref, FunkD, Yoda, Persu, Skey, Skofe, Esty, Met, Akso, Desi, Tsha, Ecraz…

Avec la fin des blogs, Fotolog notamment, j’ai perdu pleins de photos. Mais j’ai toujours ce vieux book, dans lequel j’imprimais et collait les montages comme un bon élève… et c’est plus ou moins tout ce qui me reste de cette période.

#3 Le Spinassien

Dans mon lot de rencontres, une a été différente des autres. Durant les rendez vous à la MJC de Saint Denis, j’ai croisé le chemin de Spyn vers 2004 ou 2005. J’habitais à l’époque dans le 95, ligne Nord, et chaque semaine c’était l’apparition d’une nouvelle pièce, souvent couleur et rarement petite… En bon scotcheur de vitre que j’étais, il représentait déjà beaucoup pour moi, sans même l’avoir rencontré. Du coup, quand on a été amené à peindre sur le même mur, c’était mémorable. C’était à Villeneuve-le-Roi avec Skofe, dans une cité à côté de là où j’ai grandi. Inutile de dire que j’étais un peu fier de revenir dans mon coin avec ces deux-là. J’avais vraiment fait une belle croûte illisible… j’aurais aimé pouvoir lancer mes meilleures lettres ce jour-là. Je suis content d’avoir pu connaître qui il était, ce qu’on ne peut pas deviner en regardant un mur. Il restera pour toujours une inspiration en terme de style.

#4 3Dizm

De retour à Garges-Sarcelles mais quelques années plus tard. Ce mur résume bien ce que j’aimais à cette période, les jeux de volumes en déformant les lettres, les effets… J’ai peint pendant pas mal d’années ce genre de lettrages à pousser les labyrinthes bien illisibles ! Depuis est née l’envie de se focaliser sur les lignes et le dessin des lettres, ce que j’avais tendance à oublier. Sur la photo, un mur à trois avec Skofe toujours et Erod2, j’avoue qu’en rentrant chez moi ce jour-là j’avais l’impression d’avoir fait un truc de ouf. Ça méritait bien que je m’arrête sur cette image.

À cette période, le terrain tournait pas mal avec des peintures de Dark (Amour), des NMI, des ODV et puis des TMV que j’avais rencontré dans la foulée. C’est mon introduction dans le groupe, s’en suivirent pas mal de souvenirs de murs, de soirées à taguer et bien sûr quelques GAV formatrices. Et non, depuis je ne fais toujours pas ça « sur ma propre maison » merci. Petite dédicace aux TMVicieux avec qui j’ai passé du bon temps à cette époque : Sade, Kysa, Inxy, Ding, Res, Trepas, Alfa, Vecy. Aujourd’hui on est tous un peu dispersés, mais l’esprit reste…

#5 Oh Poulet !

C’est mon aparté sudiste, obligé d’en placer une pour la famille du Sud. Quand j’avais 18 ans mes parents ont bougé vers Toulon et j’ai découvert un peu la scène de là-bas. J’ai rencontré les 711 et au delà de la peinture, on a passé de bons moments et pris de bons coups de soleil. Je me rappelle les avoir emmerdé sur leur accent pendant des heures. Avec eux, on a bougé sur Marseille, les alentours, et j’ai fait plein de belles rencontres sur fond de Dancehall et de Shit Squad. Petite dédicace à ceux qui m’ont accueilli là bas, Daddy Hers, Asty, Foofa, Seok, Roka, Oler54…

Ici j’ai choisi une peinture qu’on a fait à Bobigny lorsque tout ceux qui se moquaient des Parisiens ce sont retrouvés à travailler sur Paris, belle ironie… À ce moment là j’avais enclenché mon déplacement de la 3D vers des lettres plus lisibles, mais toujours en infestant le tout de volumes et matière… et surtout, je laissais MOGA derrière et j’officialisais AGOME.

#6 La reprise

Entre 2010 et 2014 j’ai peint beaucoup moins pour mal de raisons. J’ai dû me mettre dans le boulot à fond, plus de temps et d’argent à mettre dans la peinture. Mais bon, comme on dit, on s’arrête jamais on fait juste une pause…
En 2014, je recroise par hasard mes acolytes du TMV à République et je réalise que toutes ces ambiances m’avaient manquées plus que ce que je ne croyais. Depuis, j’ai repris mon petit rythme de plus belle mais avec un autre état d’esprit. Puisqu’il n’y a que les souvenirs qui restent, j’ai envie de profiter sans me prendre la tête avec tout ce qui avait pu me saouler à l’époque : les histoires de places, de crews, d’égos et de copinages. Pour moi c’est juste un moment en solo ou avec des potes et si possible une progression vers le style que je kiffe.

Cette photo symbolise un peu mon envie d’expérimenter, tenter des trucs. Rien n’est parfait dedans, des lettres à la technique, mais j’aime la  regarder pour ce qu’elle m’évoque :  une après-midi avec deux tueurs dans leur style, Socrome que je n’avais pas vu depuis 10 ans, et Ofusk dont je faisais la rencontre.

#7 « Allez salut »

Il y a mille styles que j’aime voir et sûrement autant que je n’aime pas trop, des influences super différentes mais j’ai réussi à comprendre ce que j’apprécie à travers toutes ; j’aime quand le trait à une identité, qu’en regardant juste une partie du graff tu puisses reconnaître qui l’a exécuté. Je pense que c’est ma quête personnelle et ça va durer encore longtemps. Cette peinture, c’est un peu un alien dans le parcours, mais j’aime bien la simplicité des couleurs et la focalisation sur les lignes. Spéciale dédicace à mon pote Inxy qui m’a converti à sa Cheap Paint, comprenez, une peinture qui demande pas grand investissement avec rapport qualité/prix optimal. Petit rouleau, deux ou trois fonds de sprays et un contour, et comme il le dit si bien, « allez salut ».

#8 L’Aéro-seul

Je dessine toujours régulièrement pour pas tourner en rond, mais je trouve que le meilleur moment pour trouver des idées ça reste au moment de l’esquisse sur le mur. J’aime bien cette pièce parce qu’elle combine un lettrage et une illustration qui sont sortis un peu comme ils voulaient. J’aime bien l’impulsion d’une peinture qui vient selon l’envie et l’humeur. Je trouve que ça se voit dans les imperfections ou les petites trouvailles qu’on aurait pas libéré sur une feuille. Pareil pour les couleurs, je réfléchis pas trop aux combinaisons pendant des heures, tout peut changer pendant la peinture et c’est le rassemblement de toutes ces conditions qui créent le truc hasardeux que j’aime bien. Bon après faut être indulgent sur les persos, j’en fais pas souvent et c’est pas ma spécialité !

J’ai fait cette peinture à L’Aérosol avant sa fermeture. C’était un bon terrain de jeu, j’aimais aller là bas seul pour expérimenter des idées.

#9 Freestyle

Il y a parfois sur le parcours des pièces qui sortent un peu des habitudes, et celle-ci en fait partie. Elle est plus désordonnée que les autres et je trouve qu’on ressent bien le côté sketchbook que j’aime. Je pense aussi que j’aime tout simplement cette tof parce que je suis un peu accro au Pigeon Blue utilisé en intérieur ici.

#10 Mot fléché

J’ai fait ce mur juste avant le confinement en mars 2020, sur ce spot à Pantin où les peintures se repassent plus vite qu’elles n’ont été faites. J’aime cette peinture parce qu’il y a dedans des éléments que j’ai gardés et développés dans les pièces qui ont suivi. On voit assez vite les inspirations vieille école qui me font kiffer en ce moment. Les empattements assez réguliers, les lettrages qui s’inscrivent dans des rectangles, les codes assez rigides du contour, sur-contour etc… C’est super dur de faire des références à ce qu’on aime et à la fois d’en sortir pour proposer un truc un peu plus personnel qu’un copié-collé des vieux livres. Je suis toujours à la recherche de ma façon de détourner tout ça.

Deux jours plus tard on était enfermés, et j’ai pas arrêté de dessiner pendant deux mois.

#11 Moi Contre Tous

Parce que je ne peux pas oublier d’en placer une pour les MCT, tous autant qu’on soit, haha… Une pensée à tous avec ce mur de Bagnolet iconique pour les MCT, réalisé en avril ou mai. Pendant le confinement s’est créée une chaîne Insta où tout le monde postait ses sketches faute de pouvoir aller peindre. Quand on a pu ressortir, on a organisé ce grand mur avec le maximum de MCT possible. J’apprécie énormément l’esprit de groupe qui s’est créé, et je garde un bon souvenir de cette journée.

J’ai pu rencontrer au travers du groupe des personnes avec des histoires toutes différentes, dans le graffiti mais surtout en dehors. Je n’ai jamais imaginé la peinture comme un métier ou une source de revenu, c’est plus comme un footing pour moi. Donc quand je passe du temps avec des gens, il faut qu’ils m’apportent des choses et que ça me tire de mon quotidien. Chaque personne que je connais dans ce groupe joue bien ce rôle là, et sans forcer ! Moi je suis arrivé assez récemment en 2018, il y a des gens que je connais de longue date et d’autres que je découvre encore.

#12 Back to 2005

Je voulais finir cette petite introspection avec une pièce récente et cette peinture s’est produite un peu sans le vouloir. Quand je descend vers Toulon pour les vacances, je fais toujours signe aux potes du 711 qui y sont. Je m’attendais à une journée plage et pastis mais c’est encore le graffiti qui nous a réuni… On ne s’était pas vu depuis longtemps, donc avec un petit esprit de compétition on s’est donné la contrainte de n’avoir qu’une seule couleur et un contour, pour se défier avec des lettres ! C’est bien beau de parler de killer des toys ! Il se reconnaîtra… Le rendez-vous était fixé sur ce terrain de Toulon où on avait l’habitude de venir quand j’ai rencontré toute cette équipe de sudistes, il y a 15 ans. Même chaleur, même playlist, mêmes visages. Un salut à eux, 711, OPK, OPC et tous les autres.

Plus de photos d’Agome ici.