Combien faut-il d’années de pratique pour maîtriser les techniques du Graffiti ? Beaucoup, d’après pas mal de gens… Mais ils n’ont probablement pas encore rencontré Oreas, 23 ans ! Un toulousain chez qui la valeur n’attend pas le nombre des années. Mais limiter ses productions à un rapport d’âge serait trop réducteur. En grand écart assumé entre le graff et la typographie, il reste en recherche permanente et expérimente à tout va.

On voulait en savoir plus, alors autant lui demander en direct.

Peux-tu te présenter ?

J’ai 23 ans, je vis à Toulouse. Je commence à m’intéresser au graffiti quand je suis au collège, en tant que simple spectateur. Dans la petite ville ou j’ai grandi, il y avait très peu de graffeurs. Mais les quelques-uns présents avaient bien rodé tous les spots avec une bonne visibilité, je pense particulièrement aux ORS. Avec mon pote de toujours, on allait faire du BMX au skate park local, le spot tournait de temps en temps, on voyait des nouveaux noms et d’autres styles.

Le premier graffeur que je croise est Encor CBO. En discutant avec lui, il me montre des photos et je commence à comprendre que c’est du sérieux. A partir de ce moment là, je m’entraine sans relâche à faire un tag, les premiers essais sont laborieux, mais je suis motivé. L’année suivante, je me retrouve dans la classe de Tchady. Il me montre ses photos, des productions toutes plus carnavalesque les unes que les autres, à l’image du personnage. On motive deux autres potes, Vixen et Gapun.
En cours, on sketche tous les jours, on tague à la sortie.

Première pièce au skatepark de ma ville natale en 2012, on est cinq à peindre sur un mur où certains se mettent à deux, c’est un beau bordel. Je fais un graff tout petit, j’essaye d’être propre et je commence à comprendre toutes les difficultés, il y a du taff… On va peindre quand on en a l’occasion et surtout les moyens.

Fin 2016, je fais des pièces correctes : dégradé, contour, 3D ou ombre portée, outline, dans la tradition. J’ai beaucoup aimé en faire, c’est grâce à ça que j’ai appris à peindre, mais j’arrive à un point ou j’ai du mal à faire évoluer mes lettrages. De plus en plus de photos circulent avec des styles improbables, sortant des codes traditionnels, j’accroche tout de suite à cette nouvelle vague qui mélange le graffiti et le graphisme.

Avec qui peins-tu ?

Je peins essentiellement avec les gars de mon équipe, CDF (Vixen, Gapun, Tchady, Encor, Toncé, Nova), et les rencontres faites dans le graffiti.

Tes inspirations ?

C’est très compliqué de répondre à cette question, j’ai une bonne mémoire visuelle, je m’imprègne très vite de ce que je vois. Il y a une telle affluence d’images. Mes références sont surtout graphiques, j’aime les designs rétro, ça peut être une affiche, une pochette de disque, une identité visuelle etc…

Dans le graff, j’apprécie plus ou moins tous les styles, je ne suis pas bloqué sur un en particulier, je regarde tout ce qu’il se fait, mais j’accroche vraiment sur les pièces qui sont entre le graffiti et le graphisme.

A Toulouse, il y a des événements comme Mister Freeze, l’Open Summer, Rose Béton où les prods sont impressionnantes. C’est cool de voir de gros murs en direct, des façades. La scène locale est aussi très active, ça bouge pas mal.

Peins-tu exclusivement des murs ?

Je peins principalement des murs, en terrain, c’est là que je peux pousser le plus possible, tester des trucs.

Plutôt couleurs ou négatifs/chromes ?

Plutôt couleurs, ou noir et blanc. En ce moment j’essaye de diminuer le nombre de couleurs que j’utilise en restant dans la même tonalité, en ajoutant une ou deux couleurs qui contrastent vraiment. Tout dépend du mur, du fond, et des gens avec qui je peins. Quand j’ai rencontré Toncé, j’ai complètement changé ma façon d’utiliser les couleurs. Après quelques pièces avec lui j’étais complètement débridé dans mes choix, je me suis servi de couleurs que je n’aurais jamais osé. L’arrivé des couleurs fluorescentes a également apporté beaucoup, ça fait mal au yeux.

Tes techniques pour avoir un tel rendu ?

Rouleau ou pas selon le mur, j’esquisse, après je peins de gauche à droite. Les couleurs que je place dans le début de ma pièce peuvent se retrouver dans le reste. Je peux faire un graff où les couleurs vont se coordonner ou au contraire, chaque lettre aura une couleur différente que la précédente.

Je fonctionne beaucoup par zone, c’est ce qui me permet quelques fois de me passer de contours, du moins j’essaye au maximum de m’en passer.

Quelle est l’importance de la typographie dans ta pratique ?

Je m’en sers de plus en plus, ça me permet de mélanger des lettres qui n’ont rien a voir ensemble. J’aime bien incruster des caractères typographiques en plein milieu de mes pièces.

Et celle du design graphique ?

J’ai une formation de graphiste, ce n’est pas mon métier, mais je pense que ça m’a beaucoup influencé dans la peinture. Aujourd’hui je me retrouve beaucoup plus dans ce que je peins, j’ai plus de liberté, que ce soit pour les couleurs ou dans la façon dont je trace mes lettres.

Comment procèdes-tu pour sketcher ?

Ça dépend, souvent je commence par chercher des formes de lettres, une forme générale, je vois ça comme une composition. La technique n’a pas d’importance, je peux autant le faire traditionnellement au crayon que sur un ordinateur. L’avantage du numérique c’est que l’on peut modifier ce que l’on veut à tout moment, tester pleins de formes différentes, des jeux de couleurs, incruster des caractères…

Et le vandale ?

J’ai toujours un marqueur dans la poche, je fais surtout du tag, des flops. Le vandale c’est du bonus, pas une priorité, je ne suis pas très régulier, mais je dis pas non à une session hors-piste de temps en temps.

Participes-tu à des expos ?

Je n’ai jamais fais d’exposition, juste quelques jams. Un jour peut-être.

Des projets ?

De belles années de peinture en prévision, partager plus de moment avec mes potes.

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