Je commence le graffiti en 98, à cette époque je ne connais pas encore grand chose … Je prends le bus tous les matins pour me rendre au collège et sur le trajet des chromes de Soone, Sike, Snake, Reso et Ceet balisent le trajet. Les tags saturent les rues de la ville rose et les flops colorés de Tilt ornent les rues du centre de Toulouse, ce qui ne laisse pas ma rétine indifférente face à ces explosions de couleurs. Le choc est violent et l’énergie qui s’en dégage est captivante, c’est une révélation !

Mes cahiers de cours sont désormais remplis de tags, flops et lettrages en tous genres. Peu de temps après, je fais la connaissance d’Arsé qui est dans le même collège que moi. Bousillé de graffiti et plus expérimenté, il me fait découvrir d’autres terrains de jeux tels que le Style et le Canal… Je fais ma première pièce à ses côtés, l’addiction de la bombe est immédiate. C’est à ce moment la que je commence à prendre le graffiti très au sérieux, qui devient vite un mode de vie par la suite. Par le biais d’arsé, je fais la rencontre de Pear et Fish avec qui on forme le VB. L’histoire commence…

#1 Vingt Ans

Ce puzzle de photos reflète bien l’ambiance de mes vingt dernières années. Les sorties nocturnes, les voyages, les rencontres, les beuveries, les hauts, les bas, les courses poursuites, les potes … bref, quoi de mieux pour illustrer ces vingts ans qu’un pêle-mêle de photos.

#2 La fête à Neuneu

Un soir d’été, mon pote Arsé, Nak (paix à son âme) et moi, on décide d’aller se faire un panel. Nak a un plan. Il nous récupère et on décolle sur le spot. On décide d’aller faire un petit repérage. Arrivés sur les lieux, Les TER sont bien là, à quai, mais ils ne sont pas les seuls. Le spot est en pleine gare. De l’autre côté des rails, le hall de gare est allumé et une musique se fait entendre. On ne sait pas si c’est un anniversaire, ou un départ à la retraite mais l’ambiance et les rires résonnent dans la gare. L’animation et l’agitation de l’autre côté est à double tranchant, juste quelques rails nous séparent de la fête à Neuneu.

Il aura fallu peu de temps pour qu’on retourne à la voiture chercher les sprays, peu importe le monde et l’agitation. Ça sera sur un fond sonore de Patrick Sébastien, Julien Clerc, Marc Balavoine et autres dinosaures de la variété française qu’on fera nos pièces.

#3 End-To-End

Virée nocturne ce soir la avec Zone, June et Thez. Dans la voiture, ça picole, ça fume, ça écoute des classiques, ça freestyle. Bref, bonne ambiance. On arrive enfin sur le spot mais c’est le désert… Pas un chat, pas un train. Impossible de rentrer sur cette défaite. On réfléchit à un plan B, Thez connaît un autre spot mais il n’est pas à coté. On reprend la route et après plusieurs bornes, nous arrivons sur le nouveau spot. Cette fois-ci les inox sont bel et bien là, luisants dans la pénombre. On enchaîne les pièces et on fait un joli End-To-End. Ça valait vraiment le coup d’attendre… Une soirée riche en couleurs, et en bornes.

#4 Sous les spotlights

Ce soir là, avec Kaporal et Ska on décide de se faire un spot pas très loin du centre, donc géographiquement bien placé pour nos petites guiboles. Arrivés sur les lieux, on guette… RAS, la fête peut commencer. Ska est un peu lent comme à son habitude, il fignole, il recoupe… J’ai fini ma pièce depuis un moment et il me reste de quoi faire une petite merde. Je décide d’aller sur la tête du wagon et commence à faire mon petit perso Kevs, pendant ce temps j’aperçois à l’autre bout du train des flashs, mes acolytes ont enfin fini leurs pièces et les prennent en photos. Ils me rejoignent à la tête du wagon sauf qu’au même moment, tous les spots de la gare s’allument, alertés par les flashs du jetable. On entend au loin une voiture qui accélère dans notre direction et on distingue des silhouettes qui courent vers nous. Mes deux compères détalent aussitôt. Dans la précipitation, je prends une photo de la tête du wagon, pas le temps de courir de l’autre côté pour prendre ma pièce . Je m’arrache sur le champ… Durant la course poursuite tout le monde se sépare. Après un bon sprint et un cache-cache dans les buissons, je décide de reprendre la route de l’appart. Sur le trajet du retour je repense à ma pièce que je n’ai pas eu le temps de shooter, pas grave… J’irai la prendre demain en photo. Evidemment le lendemain, le train avait bougé.

#5 Pot de départ

A cette époque, je travaille en intérim pour arrondir mes fins de mois. Je fais de la manutention pour un grand groupe de logistique. Je rencontre alors mon binôme de travail Vinz, la personne qui est censée me former pour ce travail. Le mec est plutôt cool, on échange pas mal. Il est passionné de rap et de culture urbaine. Quoi de mieux que d’être formé par une personne qui partage les mêmes goûts que toi. Au fil du temps on se lie d’amitié et ma mission touche à sa fin. Vinz m’apprécie bien et décide de m’inviter chez lui pour un pot de départ. J’accepte volontiers… Sur le chemin, j’aperçois un shop, je décide alors de m’arrêter jeter un coup d’œil. Il y a un rayon de peinture et un angle mort entre deux rayons pas loin des bombes, ça se tente… Je me fais une première ceinture de bombe sous le t-shirt… Je sors ni vu ni connu et arrive chez mon pote comme prévu avec 30 min de retard. Deuxième grosse surprise du jour, mon pote habite juste à côté de la VF. Mon cerveau ne fait qu’un tour. Je retourne 1, 2 , 3 fois au shop et fais mes courses grâcieusement au frais du gérant. Vinz est consterné au vu de mes allers-retours et du stock de peintures que je déballe sur sa table basse. Je ne comprends toujours pas pourquoi le proprio des lieux n’est pas alerté par mes passages répétés dans sa boutique. Ce n’est qu’au bout du quatrième voyage qu’il comprend le manège… Le rayon des chromes a pris une claque et je vois dans ses yeux que je rentrerai bredouille. Peu importe, j’ai déjà mon stock. Je retourne chez mon pote et comme prévu on boit ce fameux pot, les verres s’enchaînent… Voyant toutes ces bombes devant moi et la VF pas loin, mon programme touche à sa fin… Je motive mon pote à m’accompagner. Nous voilà partis faire un chrome sur la VF généreusement offert par le shop. Je trace mon lettrage, et je montre à Vinz comment remplir. Je vois qu’il prend son pied à me donner un coup de main et à remplir mon lettrage… Peu de temps après, il est tombé dedans comme beaucoup d’entre nous !

#6 Petite pause

Après quelques démêlés judiciaires et amendes en prime, je décide de faire une pause. Il est temps que je reprenne le chemin des études. L’établissement que je veux intégrer est privé et les études ne sont pas données. Je travaille donc le week-end pour pouvoir payer mes études. Malgré le prix, l’école est intéressante et on y apprend beaucoup sur l’art, la conceptualisation et l’identité graphique. Ces études m’aideront par la suite à sortir de ma zone de confort et changeront ma vision du graffiti trop étriquée à ce moment là. Bref, après une petite pause, l’odeur des canettes me manque et c’est tout naturellement que je rejoindrai ma troupe faire un mur sous un soleil de plomb. Voici ma première pièce après ce petit break.

#7 Soirée arrosée

Un jour d été, mes potes Fish, Pear, Jasen, Sare et moi même sommes invités par Surok et la clique TWP pour faire un mur vers Lyon. Il fait beau, le moral est au rdv, les vannes fusent et Fish gère le convoi comme à son habitude. Arrivés sur les lieux, le mur est long et prêt à nous accueillir. On passe une belle journée à peindre sous un soleil éclatant. Après l’effort, le réconfort… Le soir, on fait un bon repas, bien arrosé et pendant le repas Maestro nous parle d’un spot pas très loin. Sare et moi, un peu imbibés, sommes ultra-motivés… Du coup, on prépare nos bombes pour le panel et direction le spot. Dans la voiture, les effluves d’alcool transpirent. On arrive au spot mais une première voiture roule lentement et éclaire plein phare le train que l’on va peindre. Cette phase nous laisse perplexe. Le temps passe, on hésite… Trente minutes plus tard, on escalade le portail métallique et on se rue sur le train. On commence à tracer, puis remplir mais une deuxième voiture passe lentement à côté du spot. On arrête aussitôt de peindre. Couchés au sol, je me prépare mentalement à battre le record d’Usain Bolt, mais d’un autre côté je veux finir ma pièce. La voiture partira finalement, on finira ce qu’on a commencé sans traîner. De retour à notre voiture, une bonne surprise : il reste encore une bière dans la portière !

#8 BDX

Avec mon travail, je suis amené à bouger sur Bordeaux. Je ne regrette pas, la ville est belle et située près de l’Océan. La pierre blanche contraste avec la briquette rose de Toulouse. La scène graffiti est active et créative. Les codes sont cassés depuis un moment et cette effervescence se fait sentir. Je rencontre Klinte sur le tournage du clip d’Ol’ Kainry de passage à Bordeaux pour mon label, puis je fais la connaissance de Sadur par le biais de Klinte avec qui on sympathise. Un soir, ils me proposent de les accompagner, ça fait longtemps que je n’ai pas peint de train, je suis chaud. Les deux compères connaissent bien les spots aux alentours. Des cadavres de mèches et de bières plus tard, nous arrivons sur le spot. J’avais oublié l’ambiance des trains et des dépôts. Le plan se déroule sans accros. Sur le retour on s’arrêtera sur un autre spot de train, histoire de terminer les culs de bombes…

#9 Cambodia

Gérant de mon entreprise depuis plus de neuf ans, je décide d’arrêter cette aventure suite à une divergence d’idées avec mon associé. Après neuf années de loyaux services et d’investissement moral et physique, il est temps de prendre de longues vacances et beaucoup de temps pour moi. Par chance mon pote Kayen part avec un autre rejoindre son père au Cambodge, qui y est installé depuis neuf ans. Le timing est parfait. Je me greffe à la troupe et prends mon billet pour trois mois. L’année précédente, j’avais eu la chance de pouvoir visiter le Vietnam qui m’avait déjà laissé une très belle impression du continent et de sa culture. Trois mois de ride intensif, de découverte, d’échanges, de dépaysement et de beuverie. On en profitera pour laisser nos traces et je rentrerai en France avec une jolie hépatite A.

#10 Spontané

Les tags et les flops, c’est la branche du graffiti qui me plait le plus. Rapide d’exécution et efficace. La propreté n’a jamais été mon fort… J’aime la spontanéité du trait et peindre vite. Je n’aime pas passer trop de temps sur mes pièces. Les découpes, les fignolages ne m’intéressent pas ! Le premier trait sera le dernier et tant pis si il y a des imperfections, pour moi c’est ce qui fait le charme de la pièce, brut et authentique !

#11 Roulage de pelle

J’ai toujours été attiré par les support métalliques, les carrosseries… La peinture adhère mieux et les couleurs crachent bien, les pièces en ressortent comme des stickers. A ce moment, Il y avait des travaux pour le tramway dans ma rue et des tractopelles étaient étalés tout le long. Tous les matins en me rendant au travail, je passais devant. L’envie de poser quelques choses grandissait au fil des jours. Un soir, après un apéro bien arrosé, des fins de bombes sous le coude et le verre de trop, je me motive à botter le cul du tractopelle.

#12 Le tag de trop

Mon pote Kayen venait souvent passer ses weekends sur Bordeaux à cette époque. Sa copine, native de Bordeaux, y faisait des allers-retours pour ramener ses filles. Du coup ses weekends on les passait souvent ensemble entre terrasse de bar et peinture. Un soir, Klinte passe à l’appart fumer une mèche, il ne peut pas rester longtemps car il a rdv avec Sadur pour bouger sur un spot. Durant la discussion, Klinte nous propose de les accompagner, je suis partant, mon pote aussi. On passe à la supérette du coin prendre quelques boissons et on se dirige chez Sadur. On attend donc tranquillement Cyckle, qui doit passer nous rejoindre. Je ne le connais pas mais c’est une bonne occasion. Quelques heures et bières plus tard, Cyckle arrive enfin. Tout le monde est prêt, on peut enfin décoller. On arrive sur le spot, une voiture est garée pas très loin des trains mais rien d’inquiétant… Chacun prend sa place et on enchaîne. Tout se passe comme sur des roulettes. On rentre sur Bordeaux, et on finit les boissons sur le retour. Sadur nous lâche pas loin de chez moi. Il nous reste encore un peu de peinture avec Kayen et on a pas envie de rentrer à l’appart. On rentre quand même déposer nos sacs et on repart rider en ville avec une bombe de blanc sous le manteau. On enchaîne les guetas puis on change de secteur. A ce moment, on tombe sur une patrouille au loin, je cache discrètement la bombe sous une voiture et on continue de marcher comme si de rien n’était. La voiture s’arrête à notre hauteur, on a droit à un questionnaire et un palpage en bonne et dûe forme… Un membre de l’équipe est persuadé qu’on fait les voitures, et il fouille le coin… Il tombe sur la bombe que j’avais caché sous la voiture. Durant la fouille, ils constatent qu’on a de la peinture blanche sur les mains. On laisse donc parler notre imagination et on invente une jolie romance bien ficelée. Après trois-quarts d’heure de debrief, Ils finiront par nous emmener au poste. On ressortira le matin avec une mise à pied…

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