Plutôt discret par nature, difficile de se mettre en lumière avec un pseudo tel que Marche à l’Ombre. Mais je vais quand même me risquer à l’exercice. Je découvre le graffiti en 1994 dans le Sud. La scène toulousaine bouillonne, c’est ma première influence. Les rues sont recouvertes, je suis fasciné. Je remarque Soone, Sike, Tilt, Ters, Jeko, Brone…

Je traîne et cherche de nouveaux graffs dans les rues, le Stadium de Toulouse est peut-être le premier lieu où je vois de belles fresques. Puis viennent Le Style (grosse usine abandonnée proche du centre ville, Tilt y fera un graff qui donnera le nom au lieu), le terrain de Léo Lagrange proche de Jean Jaurès, le grand spot en haut de l’avenue Honoré Serres… Je capte des informations et passe un après-midi à Lafaourette à regarder peindre Ceet, Tilt et 2Pon à l’arrière de la cité. Je dois avoir 15 ans. Toute cette énergie, ces couleurs me font rêver, je dessine à fond et fais mes premiers tags.

Mais c’est en 1999 que je commence réellement, pas mal de tags, de chromes… Rien de fou dans mes productions, je suis en recherche constante, les styles décalés m’inspirent, m’attirent. Les scènes de Bordeaux, Montpellier, Barcelone, Paris, Berlin me stimulent par leur créativité. J’apprends à me détacher des codes classiques du graffiti, et laisse libre cours à mon imagination. La musique est une grande source d’inspiration.

Régulièrement en vadrouille, j’essaie de trouver des spots vierges et photogéniques. Je n’ai pas de support de prédilection, ce que j’aime c’est peindre, mais surtout essayer d’avoir un résultat qui me plaise. Faire une action en 5 minutes ça peut être marrant mais si au final ma pièce est moche alors pour moi il n’ y a aucun intérêt. Je ne prendrai pas la photo.

Pas évident de se satisfaire, mais voici quelques photos que j’affectionne et pour lesquelles il y a un peu d’anecdotes.

#1 Terni

En 2013, avec mon binôme Sare on part faire un tour d’Italie en voiture. L’objectif étant de descendre jusqu’à Naples, puis plus bas avant de remonter par la côte adriatique. Je suis le seul conducteur et la distance ne me pose pas de souci, nous avons soif de découverte mais mon acolyte n’apprécie pas spécialement les longs trajets.
Terni par un dimanche ensoleillé, un arrêt parmi d’autres, à la base on cherche un beau modèle vu dans une interview de Taylor. Ce n’est pas le bon, mais celui ci est quand même pas mal. Ça ira bien. Le spot semble calme, on attaque ensemble tout en restant à l’affut du moindre bruit, un chien aboie au loin, mais rien de méchant, ça rentre. On apprécie d’ailleurs de voir les noms de ceux qui sont passés avant nous dans le dépôt. Un fret garé plus loin est tagué par un de nos potes toulousain. On continue notre périple riche en péripéties, au menu : peintures, coursades par des locaux, rencontres étranges, pizzas et insolation. L’Italie nous plaît, on reviendra.

#2 Madrid

En vacances à Viseu au Portugal avec Clyse et Babs, on profite du coin malgré les incendies. Clyse nous propose de rendre visite à son ami Mets à Madrid qui n’est pas si loin. Le rendez vous est pris, c’est parti. Après avoir fait tous ces kilomètres, on arrive dans la capitale. On fait connaissance avant de partir se faire quelques peintures dans des spots environnants. Fin de journée, notre hôte nous branche pour un métro avec deux jeunes locaux motivés, nous acceptons.  On rejoint les madrilènes pour préparer la mission, ne parlant pas espagnol, Clyse sera mon traducteur. On arrive dans une station avant la fermeture, des gardes sont présents, nous devons être discrets. On se faufile sous le quai où l’on devra patienter un bon moment. Le trafic se calme, en avant ! Nous marchons accroupis, toujours sous le quai, pour accéder aux rails tout au bout. Je ne suis pas un habitué de ce genre de terrain de jeu, mais c’est plutôt amusant.
Nous sommes à présent dans le tunnel, on progresse en file indienne guidés par Feral et son pote. On commence à distinguer deux métros, on s’arrête, Feral emprunte mon appareil photo afin de voir avec le zoom si il y a quelqu’un dans les têtes. Malheureusement le flash se déclenche, on se rend compte que nous ne sommes pas seul, un vigile est sur le quai près des métros, intrigué par ce flash il éclaire avec sa lampe torche le tunnel, on se fait tout petit, nous ne sommes pas vus. Loin de refroidir les locaux habitués à ces actions, nous avançons en silence jusqu’aux monstres métalliques, on passe entre les deux, de vrais petits rats, je m’aperçois qu’un agent de sécurité observe notre petit manège mais sans broncher.
Les espagnols sont avertis mais toujours pas freinés, on passe ces rames et arrive sur un autre métro garé encore plus loin, on reste sur à la tête, il stationne sur un seul rail, on a du recul la photo sera idéale. Feral s’assure qu’il n’ y a personne, dommage encore un garde, Madrid c’est la folie. La scène est stressante et comique à la fois, ça part en négociation. Bon on ne peindra pas c’est sur, le sécu nous dit que si on ne touche pas son métro il n’appelle pas la police. On valide et on part en footing dans le doute. Pas de pièce sur cette photo, mais une sacrée aventure.

#3 Cologne

Nouvelle escapade, cette fois ci en compagnie de mon ami Sike que l’on ne présente plus. Arrivé à l’aéroport, vol pour Amsterdam annulé. Gros bazar, on envisage plusieurs options :
• Location de véhicule : trop cher.
• Ma voiture : bof, pas fiable.
Finalement on arrive à prendre un vol pour notre destination, on sera récupérés par Krise des DRS de Rotterdam, et on partira à Cologne rencontrer Foim. Tout va vite, on arrive en Allemagne et nous sommes bien accueillis avec un bon plat chaud, Foim nous raconte ses trois ou quatre panels de la journée, le mec est opérationnel et maîtrise son sujet. Direct il nous propose un backjump mais on est un peu serrés sur le timing, on se concentrera sur l’ action du soir.
Le lendemain, réveil express, petit déj et action, action, action. C’est l’heure il ne faut pas trainer, on se prépare et file à vive allure vers ce fameux spot. L’accès est incroyablement facile, on se cache derrière un buisson, ça y est le train arrive. On galope dessus et on attaque, le chrono est lancé, maximum 10 minutes. On repart aussi vite qu’on est arrivés. En voiture on fonce encore, ici ça ne plaisante pas avec le temps.
Nous sommes maintenant sur un quai et de là, pas plus de 15 minutes après l’action, on peut observer nos œuvres en mouvement. Super expérience avec des mecs professionnels. Ce fut un plaisir de partager ça, merci à Sike, Krise et Foim.

#4 Pologne

C’est les vacances d’été, nous avons programmé avec Clyse, un autre de mes binômes, un trip dans les pays de l’est avec comme objectif d’aller en Ukraine, le tout en van. Une fois de plus assuré à mon nom en tant que seul conducteur, pas de souci j’aime rouler. Je pars récupérer mon ami et nous partons sur les routes pour de nouvelles aventures. On traversera la Suisse, un passage au Liechtenstein, puis l’Autriche, la Slovaquie, la Tchéquie (où c’est pas la fête), pour finir en Pologne.
Après plusieurs actions et mises au point, notre duo s’essouffle, pris entre fatigue et caractère de chacun. Ce sera une de nos dernières actions du trip. Plein jour, vis à vis plus qu’il n’ en faut, mais un modèle si beau que la tentation est trop forte. Repérage et préparation.
Action, on se donne dix minutes maximum sachant que pour s’ échapper il n’ y aura pas beaucoup d’options. Un bardage de franchi, nous voici sous un saule pleureur, le train de toute beauté est devant nous, on part dans sa direction puis le contourne pour vérifier l’intérieur du bâtiment, ça a l’air calme, on ne traine pas. Ça rentre mais plus tard des jeunes à Auschwitz nous diront que la police locale est plutôt brutale, on s’en sort bien. Mais malheureusement on écourte le voyage, je ramène mon ami chez lui et repars de mon coté, direction l’Italie. Rassurez-vous tout va mieux.

#5 Figueras

Lors d’un petit trip en Catalogne avec mon ex-copine qui fait de la photo, on tombe sur pas mal de spots, bâtisses particulières et usines à l’abandon. Chacun se fait plaisir dans son univers, voici une de mes pièces issue de cette escapade.

#6 Les Comores

Premier voyage dans l’Océan Indien, je suis super excité à l’idée de découvrir les Comores et de revoir mon ami Socrome. Les valises sont pleines, et j’ai réussi à dissimuler quelques bombes de peinture. Après un long voyage me voilà sur place, Moroni et ses belles plages comme le chantaient le 3ème œil. Je suis accueilli par l’équipe de Swana Studio, bonne ambiance, bon feeling, ça s’ annonce bien. Une fois les valises posées, on part errer dans les rues et placer des petits tags. Il y a des beaux graffs de mes potes, les artistes locaux. Sur place c’est difficile de trouver de la spray, la majorité se fait au rouleau pour le remplissage. Je profite de mes vacances, entre conversations pétillantes et découverte de Grand Comores : plage, peinture et fascination pour les araignées ou encore les roussettes (chauves souris surdimensionnées). Sur la photo je pense que c’est ma dernière pièce, un spot sympa que j’ avais repéré. Merci à l’ équipe de Swana pour m’avoir fait gouter aux saveurs locales.

#7 Méditerranée

Parti en vadrouille, je découvre ce spot vers la mer, totalement vierge. J’y retournerai le sac plein afin de profiter au maximum des espaces offerts. C’est pas évident de trouver des lieux comme ça, mais quand on y arrive, c’est un grand moment de bonheur. J’y ai réalisé huit pièces et une série de flops, journée rentabilisée.

#8 Italie

J’avais dit que je reviendrai et le 24, 25 décembre, bof, c’est pas mon truc. Je propose à ma pote 6prine de Marseille de bouger en Italie, au menu Noël à l’arrache et panel en cadeau. On arrive à notre hôtel, surprise il offre une vue plongeante sur la gare, dommage rien y dort, mais on apprécie quand même. Après notre repas de fortune improvisé, on part à la recherche du cadeau, pas de sapin mais un beau modèle nous attend. Gare centrale quai numéro un, normalement tout le monde fait la fête ça devrait être cool.
On fait un peu le tour on regarde que ce soit calme et on attaque, toujours l’oreille vive. Tout se passe bien, quand tout d’un coup retentit une annonce au haut-parleur prés de nous, on ramasse nos affaires et on part un peu plus loin, on observe.
Il ne se passe rien, on y retourne et accélère un peu la cadence de façon à s’éclipser rapidement mais après quelques minutes rebelote. Là on se stresse un peu plus, on repart sur notre mirador, on attend sagement, bref on y retourne quand même avec un peu d’appréhension, on refait un tour afin de s’assurer du calme, on enchaîne le plus vite possible et on s’éclipse dans l’obscurité. On aura la chance de le voir passer depuis notre chambre d’hôtel, ça c’était exceptionnel. Joyeux Noël !
On continuera notre périple en faisant un saut à Pise et la rencontre de Porto, puis balade aux Cinque Terre, un lieu que j’affectionne depuis de longue années.

#9 La Réunion

Début 2020, premier voyage sans savoir que l’on finirait confinés quelques mois plus tard. Je pars rejoindre encore une fois mon binôme Sare parti à la Réunion. Une destination qui m’attire depuis longtemps, pour ses paysages, ses fonds marins… Après plusieurs jours à jongler entre peinture nocturne, plongée et balade, on entend parler d’un hôtel à l’abandon. Étant amateurs de ce genre de lieu, on se met en tête de le trouver. C’est chose faite, un bâtiment immense et idéal pour la photographie, rempli de spots. On y fera quelques pièces en compagnie d’Eko une figure locale.

#10 Secret Spot

Autour de Toulouse on arrive encore à trouver des spots mais c’est pas la folie non plus. Celui-là je l’ai découvert il y a un petit moment, j’avais déjà fait une session dedans avec un pote qui fait de l’Urbex. On avait passé une journée dingue tellement le lieu est incroyable : plusieurs hectares à l’abandon, différents bâtiments et matières, un super terrain de jeu.
J’ y suis retourné récemment en compagnie de Grizz, Tilt et 2pon. L’accès n’ est pas facile, le lieu se mérite, mais après ce n’est que du plaisir. Après être rentrés dans un premier bâtiment, on a la surprise de trouver des bombes presque pleines, ce spot est magique. On passera la journée à poser nos flops, plus de 70, sur différentes parties.

#11 Toulouse

J ai réalisé cette pièce en plusieurs étapes, dans ce lieu calme mais non autorisé. D’abord une première couleur assez simple mais rien d’ exceptionnel, j’ y reviendrai plus tard la mêler avec un autre lettrage. Ça commence à être complexe visuellement, j’ aime bien. Mais pas totalement convaincu, je reviendrai encore mélanger le tout avec une bombe blanche qui est la couleur du fond, mon idée était de faire disparaitre partiellement le graff et de garder un ensemble un peu abstrait. C’est pas mal, mais je finirai par faire par dessus un autre lettrage coupé net pour garder la fin de mon expérience précédente. Me voilà satisfait.

#12 Toulouse bis

Ce spot photogénique est régulièrement buffé, mais avec son reflet sur le Canal du Midi il a toujours droit à de nouvelles couches. Cette fois-ci ça sera en compagnie de Tilt et 2pon, c’est plutôt cool de pouvoir peindre avec des personnes dont je suis le travail depuis gamin. On part sur l’idée de deux flops en négatif chacun. Tout se passe bien le résultat est bon, d’ailleurs on a de la chance car on l’a fait en janvier et il n’est toujours pas effacé.

Remerciements

Une pensée pour Surok, Clyse, Acide, Jouter et tous les TWP. Kaise, Okre, Sare, Freo, Dope, Mars, Doom. Jasen, Oash,Sbu, Pear, Taspé, Nat, Xerou, Debza, Rokse. Tilt, 2pon, Sike, Ceet, Grizz, Piou, Shério, Der, Tober, Lenz. Soone, Réso, Socrome, Opse, Babs, Blast, Twone, Momies. Weane, Ecraz, Taper, Eko, Caca, Stane, Azek, Yope, Sween4, Métro, Bule, Fétus. Tai, Jouir, Yellow, Panks, Nak (RIP).

Spazm repose en paix.
A ceux qui font ça avec le cœur…

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