Festivals de Graffiti, jams… En France et à l’étranger, les évènements ne manquent pas pour les amateurs de fresques à thèmes. Pour Eklor, un graffeur français installé en Hollande, c’est aussi une occasion de retrouver ses potes autour de quelques bières fraiches, dans une ambiance détendue.

Rencontre à Amsterdam avec le graffeur expatrié, fraichement sélectionné pour la prochaine édition du Shake Well Festival.

D’où viens-tu ?

Je suis graphiste et graffeur, originaire de Besançon. J’habite en Hollande depuis quelques années.

Quand as-tu commencé à peindre ?

J’ai commencé à peindre sur mur en 2004. Avant de m’y mettre, j’étais déjà imprégné par le graffiti depuis quelques années. Au début des années 2000, j’habitais à Dakar, au Sénégal, il n’y avait pas beaucoup de graffiti, c’est vraiment difficile d’y trouver des sprays. A l’époque du lycée, je faisais surtout beaucoup de sketchs en observant avec envie ce qu’il se passait en France et en Europe.

Comment tu t’y es mis ?

Je dessine depuis l’enfance. A l’adolescence, avec le skate et le hip hop, je me suis tourné vers le graffiti assez naturellement. J’ai eu un déclic quand je suis allé visiter avec ma mère la Rhodiacéta, une usine désaffectée célèbre de Besançon, ma ville natale, pour faire des photos. Merci Maman d’être aussi cool.

En revenant vivre en en France, je m’y suis mis après avoir rencontré des potes à la fac qui peignaient depuis quelques années. Le Graffiti a toujours été un moyen de créer pour moi.

J’ai suivi mes potes en faisant un peu de rue et de voies ferrées, mais ce n’est pas ce qui m’attire le plus. Ça vient surement du fait que j’ai passé plusieurs années uniquement à sketcher et à observer le mouvement à distance.

Avec qui peins-tu ?

Je peins le plus souvent tout seul. La scène à Amsterdam n’est pas si grande finalement. Avant de m’installer en Hollande, je peignais avec les LCG (Mesh, Wyker, Eizos, Sea, Nacle, Sun, Basik, Ashes, Yasbe, Shaman), mon crew de Besançon. Avec le temps, le crew n’a pas vraiment survécu, mais je continue à peindre avec certains, notamment avec Wyker dont je suis resté proche malgré la distance. Depuis peu de temps, je peins un peu plus régulièrement avec Xkuz 10L, quand on se retrouve ici ou ailleurs en Europe.


Je peins à Amsterdam dans les deux Hall Of Fame les plus connus (NDSM et Flevopark). Quand je rends visite à mes parents à Besançon, je vais dans un terrain à deux minutes de chez eux. Je me déplace à l’étranger pour participer à des événements. Finalement, je peins exclusivement en terrain depuis plusieurs années.

Comment ça se passe à Amsterdam ?

J’y suis depuis Mars 2013, la vie y est beaucoup plus facile. J’ai eu la chance de vivre dans plusieurs grandes villes en Europe et je ne me suis jamais senti aussi bien qu’à Amsterdam. Une ville jeune et dynamique qui bouge énormément au niveau culturel, mais qui reste à échelle humaine. La ville a beaucoup plus à offrir que les coffee shops ou le quartier rouge. J’aime beaucoup le mode de vie relax, à base de déplacements à vélo et de boat parties. Expatrié avec mes parents, j’ai toujours eu un peu la bougeotte. Mais je ne me vois pas bouger de si tôt, je n’ai jamais eu un lien aussi fort avec une ville.

Pourquoi peindre exclusivement des murs ?

Ça m’arrive de peindre sur d’autres supports pour des projets différents. Récemment, j’ai peint une camionnette pour l’expo Truck in Truck. Je fais aussi des grands formats, comme par exemple une bâche pour le Urban Art Museum, qui est censé ouvrir l’année prochaine.

Je m’intéresse beaucoup aux premières années du mouvement Hip Hop et du Graffiti en particulier. J’aime bien customiser des vestes en jean. Je suis en train d’en finir une série de trois. Parfois l’hiver, quand je trouve suffisamment de motivation, je fais aussi des petits formats, des wildstyles sur des planches de bois de récup. Je suis actuellement à la recherche d’une galerie pour exposer mon travail au printemps 2019.

Quelle est ton approche du lettrage ?

Ma pratique du graffiti reste assez classique dans le dessin des lettres, mais j’essaye de travailler sur les textures et la dynamique des couleurs. C’est ce qui me plait le plus dans le process sur mur. Finalement, je sketche pour taffer le flow des lettres, même si dernièrement j’ai fait pas mal de sketchs freestyle sur mur.

Je trouve mon inspiration dans tout et n’importe quoi, de la musique au design graphique en passant par un truc que je peux croiser dans la rue. C’est difficile de résumer, mais je pense que tout est propice à l’inspiration.

J’ai acquis mes bases en observant les GT, en particulier Func88 et Pro176. La liste des graffeurs actuels qui m’inspirent est beaucoup trop longue. Big up à mon bro Wyker qui sait toujours me surprendre avec ces lettres ou ses associations de couleurs. Dans le désordre, je peux citer les 123Klan, les LoveLetters, le crew Ghetto Farceur (Neist, Debza, Bims), les ODV (Astro, Omouck, Shane), les ZNC (Asmoe,Tacos), The Bullshitters (Dashe, Weal, Rekor)…

Pourquoi participer à tous ces évènements ?

A la grande époque des LCG, on organisait de gros jams en invitant des potes d’un peu partout. J’ai toujours aimé faire des gros murs pendant plusieurs jours, sur lesquels on peut prendre son temps pour partager la passion de la peinture, et surtout boire des bières fraiches avec les potes. C’est un bon moyen de rencontrer de nouvelles personnes aussi.

Du coup, ça faisait déjà quelques années que je suivais de loin les événements comme les Meeting of Styles. Je regardais les photos et les aftermovies. J’ai eu envie d’y participer. Il y a deux ans, sur un coup de tête, j’ai décidé de postuler à tous les événements en Europe ou presque. J’ai été agréablement surpris en apprenant que j’étais sélectionné pour quatre d’entre eux. Cette année, j’ai fait la même. Ce genre d’événement m’apporte beaucoup, sur le plan humain mais aussi artistique. Les graffeurs viennent de partout en apportant leurs influences, leur univers. L’ambiance est toujours super. Quitte à voyager, autant que ce soit pour peindre.

Comment ça se passe le Shakewell ?

L’organisation est une des meilleures pour ce genre d’événement. A la base, Wyker était en relation avec Kenz 3GC de Montpellier. Ensuite, Eskat a passé quelques années dans l’Est de la France, vers Besançon. Le monde du Graffiti est petit parfois. Comme je suis basé à Dam et que pas mal de graffeurs montent y faire des petits weekends de cure verte, j’ai rencontré d’autres 3GC en visite, notamment le Dr Jonz. J’aurais aussi pu peindre deux fois avec Gams, pilier du Shakewell pour des Meeting Of Styles, s’il n’avait pas posé pas des lapins de dernière minute. Sans rancune ! Les 3GC sont vraiment de bons gars, et c’est aussi pour ça que je soutiens leur festival. Pour cette édition, je viendrai même deux jours en avance pour filer un coup de main. C’est un savant mélange de tout ce qui se fait de mieux en été. De la peinture, de la musique, des stands d’artisans et de la bonne bouffe. Un savoureux cocktail à base d’artistes talentueux, que ce soit pour le graffiti ou pour la musique.

« Shakeweeeeeeelllll Festivaaaaaal !  »

Ceux qui étaient présents à l’édition 2017 comprendront. C’est un mélange de fête, de découverte et de partage dans des lieux atypiques, avec une organisation sans faille.

Comment se sont déroulées les éditions précédentes ?

En 2016, je débarque pour la première édition en fin de soirée aux Bassins à flots. J’ai toute suite été propulsé dans l’ambiance. Ça chillait, ça sketchait, ça discutait… Certains comme Diox, Eskat et le crew 5.7 peignaient depuis plusieurs jours. On pouvait sentir les prémices d’un bon weekend. Le lendemain, Wyker m’a retrouvé avec Yelow, qu’on ne connaissait pas, mais avec lequel on a improvisé une bande à base de PUG life. Une de mes meilleurs bandes à ce jour.

En 2017, j’ai remis ça avec Wyker. Xkuz s’est joint à notre équipe. L’orga nous a confiés un mur à peindre avec Nori, Horror et Deflui. Une fois de plus, pure alchimie dans la rencontre, un projet travaillé devant le mur au feeling et la chance de revoir Nori, un pote de l’époque des forums de graffs sur lesquels on faisait des battles de sketchs en ligne. Cette façade peinte à dix mains est mon mur le plus abouti de ces dernières années. C’est un souvenir mémorable avec des gars au top.

Sais-tu ce que tu vas peindre pour cette édition ?

Je viens tout juste d’apprendre que je suis sélectionné. J’ai encore rien préparé. Je vais devoir glaner les infos sur le format et mes potentiels partenaires de cette année pour prévoir ce que je vais faire. En général, c’est 25% de préparation avant l’événement et 75% le jour même avec les artistes impliqués.

Des anecdotes ?

Rendez-vous au Shakewell les 14, 15 et 16 Septembre pour en créer. Peace !