J’ai fait mon premier tag en 1994 du côté de Sartrouville, imprégné par ceux de Colorz et des mecs de La Défense. Je me suis mis à peindre régulièrement vers 1998 dans le sud de Paris. Je voyais pas mal de graffs des ADK (Ther, Donas, Muldee…) et les tags des PCP. Mon entraineur, c’était Codak, c’est lui qui m’a filé mon premier bidon de Corio. Plus tard, j’ai croisé Renz, Zit, Fabu qui me parlaient de tunnels. C’était un truc de fou pour moi à l’époque.

J’ai rencontré par la suite Hermes, avec lequel je partageais une vision similaire du graffiti. On aura pour but de faire tous les tunnels de Paris (un peu plus de trois cents tout de même). J’ai toujours le plan sur lequel je notais les tunnels que j’ai peints, idem pour les métros. On me demande souvent la raison pour laquelle je me suis focalisé là-dessus, tout simplement parce qu’à l’époque je ne savais pas peindre. Utiliser des sprays dans un terrain pour se faire repasser une heure après, ça me paraissait impensable. J’ai donc décidé que les tunnels seraient mes terrains. Je faisais d’une pierre deux coups. Je ne gaspillais pas mes bombes et mes graffs étaient visibles. Au début, on faisait ça en circu. Après avoir compris le fonctionnement du système, on a logiquement commencé à peindre la nuit. Mais aussi et surtout parce qu’on était frustrés de ne faire qu’un seul graff à la fois. J’avais un plan péta de marchandises que je revendais, je me faisais pas mal de thunes, ce qui me permettait d’acheter des sprays. Avec Hermes, j’ai rencontré Typo qui deviendra mon binôme, un frère. Avec les VX, on mange du tunnel, de la rue. Avec les CLM du métro, des RER. Mes deux crews me représentent bien, m’accompagnent dans mon évolution.

A la base, je suis influencé par la scène parisienne. Quand on voit du chrome et du noir, on fait du chrome et du noir. Quand je me suis mis au roulant, j’ai essayé de reproduire les techniques des backjumpers scandinaves, les meilleurs dans ce domaine. Ce qui m’a toujours motivé, c’était d’en faire le plus possible, le mieux possible, aujourd’hui du mieux possible. Trouver des nouvelles places sans se faire attraper. J’étais en compétition avec moi-même, un peu comme dans un jeu vidéo. J’ai toujours cette idée en tête. Le peu de fois où je me suis fais prendre, j’ai vécu ça comme un échec, j’ai toujours essayé de faire mieux par la suite. Quand j’ai commencé à faire plus de métros, j’essayais d’être le plus professionnel possible, avec Azyle comme modèle. C’est pas dans mes habitudes ni dans mon caractère de mettre quelqu’un sur un piédestal. Au regard de son parcours et de ses habitudes solo (en tout cas sur une longue période), je vois mal comment on ne peut pas essayer de suivre son exemple. Un seul mot me vient à l’esprit à l’évocation de son nom : professionnalisme.

Au milieu des années 2000, après le reportage sur Canal+ et «d’après une source proche du dossier», j’étais très bien classé sur la liste des têtes à faire tomber par GDN. Je suis devenu complètement parano, je savais que j’étais sur écoute, j’appelais personne, je n’allais pas dans les magasins connus, je surveillais mes arrières, je déménageais régulièrement. Je faisais exprès de raconter de la merde au téléphone. Pour les faire chier, je posais même mon portable vers mon cul quand je chiais pour qu’ils profitent du concert. Il ne fallait pas que je me fasse péter, partir en Interrail était la solution. Grâce aux voyages, j’ai rencontré des personnes que je considère comme ma famille. Il y a beaucoup de compétition dans cette discipline, c’est comparable à un sport. Soit tu y sacrifies ta vie, soit tu prends du recul en te disant qu’il y a autre chose. Quand tu peins quatre ou cinq jours par semaine pendant une longue période, tu ne vis plus que pour ça. Tu vis, parles, dors, et à la fin, tu finis forcement par chier du graffiti. Je ne suis pas un spécialiste, je peins ce qui me plait.

Dix ans plus tard, je me dis que j’ai eu raison de prendre toutes ces précautions, je ne suis pas connu des services de GDN (ce service a changé de nom entre temps). Aujourd’hui, je suis sélectif, à Paris ou à l’étranger je ne peins que les beaux modèles et les bonnes places dans la rue ou dans les tunnels.

#1 Sur le chemin

Fame faisait souvent ce plan à Marseille. A cette époque, on squattait beaucoup Milan, ce spot était sur le chemin. Les initiés reconnaitront l’endroit. On voulait faire un whole car à deux avec Fame. Je me suis trompé de sac, j’ai pris celui avec le moins de sprays. Arrivé devant le métro, j’étais dégoûté, Fame voulait me défoncer (LOL). Finalement, on a tous fait quelque chose qui nous plait encore aujourd’hui.

#2 Panels à la pelle


On connaissait quasi tous les podés, ateliers et lay-ups de Milan. Je ne peignais plus à Paris, il a donc fallu que je me défoule ailleurs. C’était une période unique, les locaux nous repassaient tellement on y allait souvent. Quand on y était, on rentrait des panels à la pelle.

#3 Trois jours de GAV

Un souvenir chelou. A cause d’un imbécile on s’est mangé trois jours de GAV + une suite il y a quelques années. Bref, pas mon meilleur souvenir.

#4 Pit stop à Bruxelles

J’allais rejoindre les Black Blocs à Copenhague si je me souviens bien. Pit stop obligé à Bruxelles. Quand Paris rencontre Paris en Belgique.

#5 Précision suisse


Ce soir là, j’ai peint avec un graffeur professionnel. Pendant que je faisais tout au fat cap, celui à ma droite a tapé aussi gros avec quatre ou cinq couleurs de remplissage, tous les traits coupés, recoupés. Bluffant. Surtout que peu de temps avant, il avait fait la même sur un train dans le noir total. J’ai déchiré la photo de mon panel tellement il était horrible. Big up !

#6 Le seum

Pour un reportage diffusé sur Canal+, on est parti en Interrail à Bruxelles, Amsterdam et Rotterdam. On rentre Bruxelles tranquillement. A Amsterdam, on peint quelques panels. Toutes les actions filmées par l’équipe télé. Pour une action à Amsterdam, le journaliste laisse son sac avec tous les rushs dans la voiture. On revient, plus rien. On nous avait tout soulevé. Finalement, on se retrouve dans Lundi Investigation en train de peindre le seul train Corail que j’ai fait. Le seum.

#7 Shotgun


Rome, cette ville où la sécurité te tire littéralement dessus. Une expérience à vivre.

#8 Gorgonzola

Je sais que beaucoup de gens se sont mangés des serrages et cavalcades sales là bas. Mais nous à chaque fois qu’on l’a fait, c’était pépère. Et oui, je sais qu’il y a une caméra contre le mur.

#9 Fucking Berlin

Quelques années plus tôt, j’ai mangé, avec d’autres, pratiquement un mois de prison pour avoir peint le métro de Berlin. Alors quand j’ai eu l’occasion d’y retourner j’ai pas hésité : « ceci est mon testament… » forcément en lien avec ce que j’avais vécu en prison.

#10 Être le premier à Naples

On va dire que je squatte l’Italie, oui, mais je fais des métros. Pour l’anecdote, des potes connaissaient le groupe local, ils les invitent à peindre avec nous. On va au gros podé, les gars n’avaient jamais fait cet atelier, ils ont halluciné. A en croire les locaux, on était les premiers à peindre dans ce spot.

#11 Merveille milanaise


Alors qu’à Paris on a de plus en plus de modèles de métros archi-laids, Milan a toujours ceux-là, une merveille à peindre.

#12 Home, Sweet Home


Un soir j’amène de la famille venue de Tilbourg peindre un métro, on se retrouve à une dizaine de gars. Aux environs de 4h30, donc quasiment à l’ouverture, on voit deux gars arriver de derrière nous. Kofy, qui les avait vus en premier, nous avertis, je pars direct sur eux. Mes deux potes hollandais avec leur gabarit de Golgoth ne comprennent pas mais sont chauds direct. Finalement, c’était deux parisiens, inconscients de venir faire un panel alors que quatre wagons étaient déjà complètement peints.

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