Jʼai toujours été attiré par lʼart bien avant de découvrir le graffiti. Je gribouillais constamment sur tout ce qui me tombait sous la main. En voiture, je restais collé à la vitre pour mater les pièces sur le périphérique d’Orléans. La première fois que je suis allé à Paris, ça n’a pas manqué… J’ai pris une claque. Cʼétait le déclic. Jʼavais dix piges et jʼai tout de suite pris goût à cette nouvelle forme dʼart.

Je suis né quelque part, entre 1995 et l’an 2000. Jʼestime appartenir à la génération Internet, et je pense que c’est important d’en avoir conscience. Quand je me suis mis à peindre, de nombreuses vidéos commençaient à envahir le Web. Ça m’a d’ailleurs beaucoup inspiré. Internet est à double tranchant et je pense qu’il faut garder une certaine part d’authenticité. Les réseaux sociaux sont bénéfiques, c’est indéniable. Ils offrent une visibilité que les anciens n’avaient pas forcément et ils permettent de créer des connexions qui n’auraient peut-être pas eu lieu. Et puis, il faut savoir vivre avec son temps ! Mais je pense qu’à notre époque, il est important de trouver le juste milieu et de ne pas tomber dans le vice des réseaux sociaux qui consiste à n’exister qu’à travers eux.

#1 Entre Paris et Orléans

J’ai tout de suite été attiré par cette ligne qui nous relie à la cour des grands. A l’époque, la capitale me fascine. Peindre sur cette ligne, c’est en quelque sorte en faire partie, sans y être. Cette nuit là, on arrive sur un spot en pleine campagne. Devant le mur, on se rend compte que, malgré la distance qui nous sépare de la ville, Zek a déjà pris la place sur le mur.

« Putain, mais qu’est-ce qu’il fout ici ? »

Pas d’autre place, aucun autre mur en vue. On est dégouté. On ne va tout de même pas repasser notre pote. En plus, on vient de marcher vingt minutes pour atteindre le spot. Au final, un coup de chance improbable, mon pote Crepe trouve une échelle au milieu d’un champ. Nickel. On peut faire nos pièces au-dessus du collègue. Un spot qui paye.

#2 Première coursade

Je découvre le roulant deux/trois ans plus tard en peignant des frets. Le coup de foudre instantané. Le graff circule, ça procure quelque chose de complètement différent que de peindre un mur. A peine le temps de finir cette pièce qu’une voiture de la SUGE débarque. On cavale sur les voies sans se faire serrer. On s’en est bien tiré. J’avais quinze piges et c’était ma première confrontation avec les cowboys du rail.

#3 En attendant la circu

Quand on commence à peindre en vandale, c’est pas toujours évident de gérer la qualité de sa peinture avec le stress. C’est encore plus le cas pour le roulant. Au début, j’étais un peu submergé par l’adrénaline. Je voulais surtout faire le plus de trains possible. Peindre en speed, prendre ma photo et me tailler. Avec le temps, ça évolue pas mal, je progresse en terme de style. Je suis plus à la recherche d’une ambiance particulière et d’un certain impact visuel. Désormais, je m’intéresse aux couleurs et à la qualité du lettrage.

Après une nuit de peinture, on se pose dans le hall de la gare de Nantes en attendant le train. Je suis avec Peus et D*g. Évidemment, je m’endors comme un con sur un banc. Trente minutes plus tard, je me réveille en sursaut, les salopards se sont barrés sur le quai chopper la circu sans me réveiller. Je cavale pour les rejoindre, ils sont morts de rire. Nos panels sont juste devant nous. Je prends des photos sympas, Belle matinée.

#4 Combo parfait

Pour obtenir de la visibilité, il faut avoir de l’impact, spécialement sur train. Je suis plus motivé par une pièce élaborée qui va choquer tout le monde sur un quai de gare que par vingt panels classiques qu’on ne remarquera même pas. Le combo pièce en couleurs et persos sur train reste exceptionnel, ça dépend surtout du spot.

Sur ce plan en forêt, on s’est régalé, même si ce soir là, ce n’était pas gagné d’avance. Après quarante minutes de route, on débarque, pas de train. Ça m’aurait bien fait chier de finir ma soirée à peindre un mur. Heureusement, j’ai en tête un plan un peu plus loin. On se motive pour aller voir ce que ça donne. Bingo, les trains sont là. C’est pas les petits Z2 que j’espérais, mais je ne vais pas me plaindre non plus.

#5 Rêve de gosse

A l’époque, je bouge beaucoup avec Rona. On est de la même génération, déterminés à défoncer les routes et les voies ferrées de notre région. Mais Orléans cʼest petit, on en fait vite le tour. Quand on commence à bouger avec des mecs de région parisienne, ça devient tout de suite plus intense. On rencontre des mecs qui nous motivent encore plus à peindre. La capitale, c’est un rêve de gosse. C’est là-bas que ça bouge, c’est Paris quoi ! Je prends rapidement gout à peindre des trains. Certains de mes collègues ont un petit faible pour ce support. Du coup, on tombe très vite dedans.

#6 Connexion belge

A peine arrivés à Bruxelles, on ne perd pas de temps. Serrage de mains, une bière et on décolle, direction le dépôt de trains. On se retrouve sur un plan apparemment assez connu dans le coin. Notre pote local nous explique qu’il peut y avoir de la sécu et qu’il faut donc rentrer en scred. Mais si la voie est libre, c’est tranquille. En entrant, tout semble vraiment calme. Notre pote part en éclaireur pour vérifier de plus prés. Il revient cinq minutes plus tard :

« C’est bon, ça peint déjà, venez. »

J’arrive devant les trains, et là je vois une bonne quinzaine de mecs en train de peindre. Sans déconner, on aurait dit une séquence d’Urban Vampirz 2. Ça peint dans tous les sens. Ce qui est le plus dingue, c’est que c’est même pas des mecs du coin. Il y a des anglais, des espagnols, des italiens… un vrai jam. On fait nos panels et on part assez rapidement. Vu la gueule du dépôt, j’aurais pas aimé me faire serrer ce soir là, mais j’en garde un très bon souvenir.

#7 A la pince coupe-boulon

« Tiens coupe un peu, c’est à ton tour. »

#8 Au calme

J’aime bien les terrains vagues qui dégagent une certaine atmosphère. J’y peins vraiment occasionnellement. Alors tant qu’à faire, autant trouver un mur vierge dans un environnement sympa. C’est toujours bien de voir ce qu’on peut produire sans adrénaline.

#9 Les idées qui fusent

Je suis rarement satisfait par ce que je fais. C’est difficile à expliquer, mais tant que ma production ne dégage pas l’impact visuel que je cherche, je n’arrive pas à poser ma bombe ou mon pinceau. Parfois, je me lance sur une toile et je ne la finis jamais. Malgré le côté maniaque, cette constante insatisfaction me permet de perfectionner mon style.

Sur cette pièce, j’étais parti pour faire un chrome basique, puis j’ai laissé fuser les idées. Le fret est un bon support pour essayer de nouvelles choses, c’est un peu le terrain des trainistes. Un terrain qui voyage un peu partout en Europe.

#10 Classement sans suite

J’ai eu quelques mésaventures avec la police. Pour une de mes premières, j’ai eu beaucoup de chance. Un soir, on bouge sur un plan à côté de chez nous. On le faisait régulièrement. On avait un peu trop pris la confiance. Arrivés sur place, guet-apens et course poursuite sur les voies. Je finis bloqué dans les ronces avec cinq mecs de la sécu sur le dos. Les gars sont bien énervés, ça fait un bail qu’on fout le bordel dans leur dépôt. Le problème, c’est que j’ai ma GoPro sur moi. Comme tout bon débutant qui se respecte, je n’ai pas vidé ma carte SD avant d’aller peindre. Dessus, des vidéos où on voit clairement ma gueule en train de peindre, précisément dans ce dépôt.

En attendant lʼarrivée des flics, j’essaie de négocier pour bidouiller un truc sur ma caméra, mais pas moyen. Les flics arrivent et mʼinstallent à l’arrière de la voiture, entre deux cowboys. J’ai mon sac entre les jambes avec tout le matos à lʼintérieur. Pendant le trajet je réussis discrètement à retirer la carte mémoire de la GoPro et à la mettre dans mon froc. Les keufs sont trop occupés à discuter de l’endroit où ils veulent manger après. Arrivé au commissariat, l’officier de police judiciaire me pose toutes les questions possibles avant de me mettre en GAV pour la nuit.

En sortant du bureau, toujours accompagné, je sens ma carte mémoire glisser et tomber par terre au milieu du couloir du comico. Je ne peux évidemment pas la ramasser sans me faire griller. Je serre alors les dents en continuant mon chemin, direction la cellule. Je cogite dessus toute la nuit, je me demande ce que je vais pouvoir sortir comme disquette concernant cette fichue carte mémoire.

Le matin, on m’emmène de nouveau dans le bureau. On passe dans le même couloir que la veille et je me rends compte que la carte a disparu. Cette fois, c’est sûr, un flic l’a ramassée. Je me dis qu’ils ont tous vu ma gueule en gros plan. Et ben non. Je rentre chez moi dans l’heure. L’affaire est classée sans suite. Cinq ans plus tard, je n’ai toujours pas de nouvelles de cette carte mémoire. Merci à la personne qui a fait le ménage dans le commissariat ce soir là…

#11 Spot classique

Un spot classique, mais un sacré spot. C’est la seule photo de ce 12Shot que je n’ai pas prise. Exea prend la pose devant l’objectif de mon pote Nocturnality1.

#12 Sur les toits d’Orléans

C’est un de mes spots préférés avec la cathédrale juste derrière. Pas pour la pièce qui laisse à désirer mais plus pour la symbolique. Orléans est la ville de mes débuts mais ne sera pas celle de ma fin. Malgré la hauteur, la pièce est restée à peine un an avant d’être effacée. Pour finir : un gros big up à tous mes potes. A toutes nos canettes vidées, à nos sessions de folies, et surtout au futur !

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