J’ai commencé à faire du graffiti en 2003 avec Rookie et Jabe. J’ai tout de suite été accro au concept d’écrire mon nom sans que personne ne sache qui je suis réellement. Rechercher à me démarquer des autres par mon propre style et être reconnu est très vite devenu mon objectif. C’est toujours le cas aujourd’hui, sinon je peindrais dans ma chambre.

Pour moi tout est histoire de style. Je me fous de savoir si le graffiti doit être comme ci ou comme ça, si untel est un vrai ou que truc fait du street art. Tout ce qui m’intéresse c’est qui peint avec envie et conviction, qui repousse les limites de son style, qui cherche à se renouveler et fait de la peinture avec honnêteté.

#1 Esprit d’équipe

Virtual Times est la première grosse équipe dans laquelle je suis entré. Composée de gars tous un peu plus vieux que moi et qui peignaient depuis plus longtemps. En revenant à Tours, je rencontre Dial, qui devient mon premier mentor. Je peignais beaucoup avec Rookie et lui, en essayant de développer des murs cohérents tout en tentant des expériences qui m’ont fait réfléchir sur mon approche du style. C’est par son biais que j’ai rencontré le reste de l’équipe : Oval, Kayoat, Sbor, Dial, Jouf, Smite, Malax, Alber, Salcon, Mero, Oser, Les Gens, Rookie et Jos. On a beaucoup bougé en groupe sur Tours. Aujourd’hui on est éparpillé entre Bordeaux, Tours, Nantes, Montpellier et Le Mans. J’ai peint cette pièce l’été dernier sur le spot de mon pote Mites. Les pieds dans le sable et la mer derrière, parfait pour faire une dédicace à l’équipe. J’ai toujours aimé peindre régulièrement des pièces pour mettre en avant mes différents groupes. Pour moi le graffiti est un sport autant individuel que collectif.

#2 Out Of Control

J’ai rencontré les OOC quelques temps après être arrivé à Nantes. C’est Arnem qui m’a présenté à cette équipe nantaise d’anciens. Ils avaient déjà beaucoup plus d’expérience que moi. Ils m’ont accueilli en 2011 dans la famille, composée de Wise, Meyer, Just, Arnem, Mache, Altes, Raizin, Towé, Tom, Moké et Ekar. J’ai vraiment découvert le graffiti nantais à travers leurs histoires, les murs en communs, les sorties en équipe. On a peint ce mur avec Mache, Wise, Altes, Meyer et Arnem en 2014. Wise nous a dégottés ce plan. Il a même réussi à négocier une nacelle articulée au propriétaire. On a peint ce mur comme une affiche d’un film de série B dont le titre serait le nom du crew, chacun s’est occupé d’une partie du mur, on était rodés.

#3 Intronisation au Cartel

À force de peindre avec Arnem, l’un des fondateurs du Cartel29, je rencontre toute l’équipe au fur et à mesure des peintures et des déplacements à Brest. J’ai fini par entrer dans le crew en 2012. C’est une très grosse équipe qui croise différentes générations réparties entre Paris, Nantes, Lyon, Cherbourg… et Brest, la ville d’origine du Cartel. Il y a une bonne dynamique de groupe qui s’organise pour monter des projets collectifs et des grosses peintures. C’est grâce à certains membres du Cartel29, et en particulier Arnem avec qui j’ai beaucoup peint, que j’ai développé un style « cosmique ». Le groupe est formé aujourd’hui de Bush, Shire, Skom, Haribow, Ofusk, Reduk, Arnem, Omse, Pak, BabyK, Agres2, Les Gens, Mites, Meyer, Aise, Soem, Arcko, Asar, Drak, Jone, Malik, Skal et Wen2. En 2016, on a peint ce mur pour l’intronisation de Les Gens dans le crew. Chacun des membres présents ce weekend-là a participé à cette peinture, qui est un bon exemple de travail d’équipe.

#4 Hell Street Boys

Le crew HSB est la dernière équipe dans laquelle je suis entré, bien que ce soit les premiers gars avec lesquels j’ai peint en arrivant à Nantes en 2009, grâce à Rookie. C’est un groupe originaire de Vendée qui s’est agrandi quand à leur arrivée à Nantes. Étant tous de la même génération, on a beaucoup peint ensemble pendant nos années d’études. Aujourd’hui le HSB est composé de Urocky, Ricer, Dizzy, Yshe, Sufok, Syne, Ashe, Rookie, Fymo, Sody et Nosika.  J’ai peint ce fret lors d’un weekend avec le crew, peu de temps après avoir intégré l’équipe en 2012. On était sur un plan vraiment tranquille et j’avais envie de me faire une belle pièce pour les gars. J’ai cherché une phrase avec les initiales du groupe qui fasse titre de film d’horreur un peu kitch.

#5 Faire simple et juste

Depuis mes premiers sketchs jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours aimé les lettres classiques. Styliser des lettres pour écrire mon nom est le centre de mon intérêt pour le graffiti. Le style dit parisien et l’école new-yorkaise du block letter au wildstyle, c’est vraiment ce que je veux faire depuis le début. Même si je m’en éloigne parfois, je considère le graffiti classique comme la base de tout ce que je peins. Cette pièce par exemple représente cet état d’esprit : une recherche de lettre sur une base simple, en chrome et noir. Je considère que faire simple et juste, c’est ce qu’il y a de plus dur.

#6 Heavy Blast

À l’inverse de la photo précédente, je développe également des pièces très travaillées, où mon lettrage devient un élément qui rentre dans une composition plus générale. Un perso, un fond, des effets, une dynamique globale, des typos, des petits détails… Le tout composant une image, une histoire, un concept complet et impactant. J’aime ce type de travail qui met ma réflexion à rude épreuve pour trouver la manière dont je vais hiérarchiser mes éléments, composer mes dominantes de couleurs ou peaufiner un effet. Je fais généralement ce type de mur quand on peint en équipe. C’est toujours l’occasion de passer des bons moments. À une époque, on travaillait nos fresques en uniformisant l’ensemble du mur avec un jeu de couleurs ou un fond commun. On a donc bien développé nos aptitudes à travailler ensemble. Aujourd’hui, on essaie plus de créer un mur cohérent avec des individualités fortes qui s’articulent ensemble.
Ce mur a été peint en 2015 avec Aiser et Arnem. C’est sur ce type de production que l’on essaie de pousser notre niveau au maximum. J’ai toujours eu un esprit de saine compétition pour ce genre de peinture où chacun se donne à fond pour envoyer son meilleur, par respect pour les autres.

#7 Compo graphique et manga

En 2016, je commence à peindre ce genre de lettres pour varier les plaisirs. J’ai toujours cherché à maitriser différents styles en même temps, en essayant de garder une ligne directrice et une cohérence dans toutes mes pièces. C’est grâce à ça que je peux me renouveler car chaque style que je développe nourrit les autres, un throwup donne des idées pour ce type de pièce, tout comme une peinture loufoque débloque des phases pour un wildstyle plus classique. Ma hantise étant de faire toujours la même pièce, c’est la mort du style pour moi. Cette peinture représente ce que j’appelle Bold Letters. Une ambiance un peu manga et des estampes japonaises, deux de mes dernières grosses influences. C’est en essayant d’épurer mes peintures que je suis arrivé vers ce style. Des lettres plus simples dont le cœur de la lettre est formé par un trait épais et un fond qui tente de synthétiser mes fonds cosmiques en aplat graphiques. Cette simplification me permet de travailler sur l’impact des formes et de traiter l’ensemble de mon mur comme une seule composition graphique.

#8 Expérimentations loufoques

Depuis longtemps, Oval me pousse à faire de temps en temps des peintures différentes qui cassent les réflexes du graffiti classique, à essayer de nouveaux concepts et à faire des peintures plus simples. Chose que je trouve très difficile car ce n’est pas dans ma nature même si j’aime beaucoup ça. Des pièces plus typos, des throwups améliorés, des styles loufoques. J’ai tenté des expériences plus ou moins réussies mais très importantes pour le développement du style. Cette peinture, c’est un peu la version minimaliste et loufoque des pièces Bold Letters. J’aime bien ce genre de concept très simple car je peux les peindre sur des surfaces avec du relief et des décrochés où je n’aurais pas pu faire de pièce classique. Je m’amuse avec les formes et le support, pixels, bubbles, couleurs primaire, noir et blanc… Détente.

#9 Chrome, noir et enluminures

Bien que je ne sois pas du tout un fin limier des terrains vierges, j’ai toujours eu la chance d’avoir des potes qui m’ont ramené sur leurs plans. Oval, Les Gens, Skom, Soem et surtout Kegrea alias Huggy les bons tuyaux m’ont régalé plus d’une fois. C’est toujours un gros plaisir d’aller dans ce genre de spot où les murs ont une certaine texture, une ambiance particulière, une histoire. J’ai pu peindre des vielles usines, des entrepôts, un manoir, des maisons abandonnées, un village vacances, des carrières souterraines, une discothèque. À chaque fois, j’essaie d’adapter au mieux mes pièces suivant le support, voire de tenter d’autres approches. J’ai fait cette pièce durant un de mes séjours chez Kegrea, dans une énorme maison bourgeoise avec des papiers peints et des moquettes de folie. J’ai tenté de croiser des lettres classiques et des enluminures un peu Art Nouveau. Je privilégie souvent les pièces en chrome et noir sur les murs vierges, je trouve que ça s’harmonise mieux avec l’environnement.

#10 Lettrage Bold sur fret

J’ai toujours aimé peindre des frets, malgré ça je n’en ai jamais fait beaucoup, certainement par flemmardise ou manque de plan. Mais j’aime le support, les différents type de wagons, l’ambiance des spots, l’aspect industriel, les voies ferrées, les pièces de toutes les époques qui se côtoient et qui tournent. Je considère le fret comme un terrain vierge, je ne le peins pas pour exploser le plus de wagons possible, mais plutôt pour me faire plaisir sur des pièces en couleurs. C’est Lews qui m’a fait glisser ce spot, l’endroit est cool, les bâchés sont nickels et pas trop grands, parfait pour une pièce. Je peins généralement des pièces loufoques ou Bold, c’est ce qui s’adapte le plus au support.

#11 Crocodile Dundee à Stockholm

J’ai fait mon premier vrai voyage dédié au graffiti en 2014 : Bruxelles,  Anvers, Hambourg, Berlin avec un de mes binômes préféré : Les Gens. Depuis ce voyage, j’essaie de bouger le plus possible. J’ai pris une grosse claque, surtout à Hambourg où la scène est dingue. Plein d’écoles de styles différentes, que des types investis à fond dans leur pratique et des productions de qualités. Jusqu’ici, c’est la ville qui m’a le plus impressionné en matière de graffiti. Depuis, je suis retourné à Hambourg, plusieurs fois à Anvers mais aussi à Eindhoven, Amsterdam, Vitoria Gasteiz, Stockholm ou encore à Lille, Paris, Bordeaux, Toulouse, Lyon. Chaque voyage permet de bien progresser, de rencontrer des nouvelles têtes ou d’en revoir, découvrir d’autres villes et d’autres scènes. C’est à chaque fois des bons moments avec les potes et des anecdotes marrantes. Cette photo vient d’un de nos derniers voyages. On est parti à Stockholm avec Rookie et Urocky. Abyss nous a emmené dans ce spot célèbre pour peindre. C’est une sorte de zone industrielle au fond d’un énorme parc dont le proprio est une réincarnation de Crocodile Dundee qui se ballade en tractopelle.

#12 Teenage Kicks

En 2013, Breze et Poch nous ont invités avec Meyer à participer à la première édition de Teenage Kicks. Le jam se déroulait sur un mur peint il y a longtemps. La fresque que l’on a repassée était mortelle, les autres gars invités envoyaient du bon, bref on s’est mis la pression pour faire un bon mur. En discutant avec les organisateurs, on s’est rendu compte que l’on était sur la même longueur d’ondes qu’eux. Après plusieurs discussions, on a eu l’idée de développer avec eux cette biennale sur Nantes. Monter des projets n’est pas facile et demande beaucoup de travail, mais mettre son égo de côté pour faire peindre d’autres personnes permet aussi d’apprécier notre mouvement différemment. J’ai pu rencontrer des artistes et découvrir leur travail  de l’intérieur en les assistant pour la réalisation d’énormes murs ou même d’un ancien navire de guerre avec Velvet et Zoer. Aujourd’hui, on prépare la quatrième édition avec toujours le même objectif : proposer des artistes de qualité pour des réalisations de mur, des expositions, un jam…

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