Passionné par le Graffiti, sans en connaître l’histoire et la technique, je commence à prendre des photos de manière méthodique au début des années 2000 avec les premiers numériques. Au delà du fait que j’aime la peinture, je ne sais pas vraiment ce que je cherche en faisant des images. Je n’ai pas de vocation à représenter ou à témoigner de quoi que ce soit. Je ne suis pas archiviste et encore moins détenteur du savoir ultime. Je shoote de manière compulsive tout ce qui m’interpelle au delà de toutes considérations esthétiques et sans but précis. Je n’ai rien à vendre, c’est juste du kiff.

Je tiens à préciser que je ne me prétends absolument pas photographe. Mes photos sont basiques, prises le plus souvent de face et la plupart du temps en réglage automatique. Je ne peux pas m’empêcher d’en faire pour autant, c’est une addiction. J’aime la ville, la rue, les usines abandonnées. J’aime marcher, pédaler, escalader, ramper… J’aime partir chasser les stores très tôt le matin avant que les magasins ouvrent. Je prends mon vélo, mon enceinte Bluetooth, la playlist qui va avec et c’est parti.

J’adore ce moment où le Paris qui va bosser croise le Paris qui va se coucher. En fait, le Graffiti est un prétexte à la promenade. C’est le chemin qui m’excite, pas l’arrivée. C’est aussi un moment que j’aime partager avec ma fille et quelques potes. Ces balades avec les gens que j’aime où on refait le monde en avalant des kilomètres n’ont pas de prix.

#1 Le Hall of Fame de Montemarciano

Ce n’est pas mon nom de famille mais la ville où je suis né et où j’ai vécu jusqu’à mes six ans. C’est un petit village dans la région des Marches en Italie. Cette photo argentique date de 1996, c’est le Hall of Fame de Montemarciano. Un point de rendez-vous inévitable pour la poignée de graffeurs présents à cette époque dans le coin. Ce mur a été peint pour la première fois en 1994. Il y avait Abik, Ekra, Shock et Dasty314, mon pote d’enfance, que je vois toujours et qui continue à y peindre. Il doit avoir au moins fait huit cents graffs sur ce mur. Il est situé juste derrière une école. Pas besoin d’autorisation, personne n’a jamais vraiment rien dit. La dolce vita…

#2 Passion camtar

Quand j’ai commencé, je ne prenais que les camions en photo. Ça me faisait marrer de voir ces peintures roulantes, je trouvais le format mortel. Cela reste un de mes supports préférés. Je connais par cœur les jours de marché, de Belleville à Barbès, de Crimée à Bastille en passant par Aligre. Je continue à faire les mêmes trajets que je faisais il y a plus de quinze ans. Je suis juste dégouté d’un truc, c’est que la plupart des photos prises entre 2002 et 2006 sont mortes dans un disque dur qui a cramé. Heureusement, j’en avais mis pas mal sur un vieux blog que j’ai pu récupérer, mais avec une définition pourrie.

#3 Tel père, telle fille

Ma fille, la seule que j’idolâtre. Ceux qui ont des gosses comprendront. J’adore quand elle m’accompagne. Je ne l’emmène que dans les endroits sans risques dans lesquels on peut rentrer tranquille, inutile d’appeler la DDASS. Ce jour là, on est parti en bus. Il faisait un temps de merde mais on était contents. On a une réelle complicité, elle participe. Elle me prévient quand elle voit un truc qui pourrait m’intéresser. Pendant que je prenais quelques graffs, Moira a sorti son marqueur pour taguer sur le sol. Je me retourne, en la voyant faire je la prends en photo. Honnêtement, je pense qu’elle s’en tape du graffiti. C’est juste que je dois l’influencer. Elle adore dessiner par contre, c’est son occupation favorite.

#4 Sous surveillance

Après avoir fait quelques repérages, mon pote The Milkster me dit qu’il a trouvé un des terrains de Saeio et Horfee. Faut qu’on y aille. Comme d’habitude, départ tôt le matin, à pieds. Arrivé devant l’entrepôt, on se rend compte que l’endroit est sous surveillance et qu’il y a un vigile avec un gentil chien. Je m’approche du gardien avec mon plus beau sourire et lui sors un bonjour digne d’un vendeur d’assurances. Je lui sors un baratin du style on est photographes amateurs et je lui demande s’il veut bien nous laisser entrer. Évidemment, il me dit qu’il ne peut pas et qu’il faut voir avec son patron. Je lui demande son numéro de téléphone et j’appelle. Répondeur bien sûr, je laisse un message sans y croire. Je me retourne vers le vigile tout en gardant mon sourire de mannequin La Redoute et insiste un peu en le rassurant. Je lui dis que je comprends qu’il suive les consignes, c’est normal. J’ajoute que si jamais il se passe quoi que ce soit à l’intérieur, on assumera.  On dira qu’on est entré par nos propres moyens, à son insu et qu’il n’aura pas de problème. Nouveau refus.

Je lui dis : « mec, tu sais très bien que si on avait voulu, on aurait très bien pu passer par derrière en longeant la voie ferrée et tu ne nous aurais jamais vu. »

Il me répond : « vous n’avez qu’à faire ça. »

Comme si on n’allait pas le faire… Nous voilà donc partis pour contourner l’entrepôt. Première escalade de palissade blanche métallique de chantier, mes préférées, celles qui te niquent bien les doigts et qui plient sous ton poids. Depuis, j’ai des gants anti-coupures. Ensuite, un trou dans le grillage nous permet d’atteindre facilement les voies. On longe donc les rails jusqu’à ce qu’on se retrouve derrière l’usine. Deuxième escalade. Cette fois-ci un mur, bien plus agréable pour les mains.

On se retrouve à l’intérieur, on ne fait pas de bruit pour ne pas alerter le vigile. On communique par signes débiles tout en se retenant de rire. A l’arrière de l’entrepôt il n’y a pas de risque qu’on nous voit, on peut faire nos photos tranquilles. Mais les pièces qui nous plaisent le plus sont de l’autre côté. On se dirige vers l’avant du spot, plus silencieux que jamais. On arrive dans la partie qui nous intéresse. A notre droite, le mur de l’entrepôt, à notre gauche le mur d’enceinte du site, de l’autre côté, le vigile. Si on avait pu prendre une photo du dessus, ça aurait été drôle. On aurait vu deux mongoliens raser un mur en silence en train de prendre des photos, avec de l’autre côté un vigile posté à un mètre…

#5 Premier plan train… à 42 ans

Mon premier dépôt, je l’ai fait l’année de mes quarante-deux ans, mieux vaut tard que jamais. Tout part d’un selfie après un repas bien arrosé que je poste sur Instagram. C’était l’été 2017. Sur ce selfie, je fais le con au milieu des voies entre deux trains peints. Fyane, qui est un pote, en voyant cette tof se rappelle que je suis en vacances dans le Nord de l’Italie. Il m’appelle pour me dire que lui et son équipe, composée des FTW et des TPK, comptent descendre. Il me propose de venir avec eux si je suis dans le coin. Aucune hésitation, je dis oui direct.

Le soir venu, je suis comme un gosse. Un mélange d’excitation et d’appréhension. On se donne rendez-vous à la gare, les gars arrivent en voiture, nous sommes cinq en tout. Direction resto, histoire de recharger les batteries et de discuter un peu avant d’aller peindre.

J’ai été surpris de voir tout ce que cela impliquait en terme de préparation et de timing. Je n’étais qu’un toy en la matière. Tellement un toy que j’avais pris ma carte mémoire avec des centaines de photos dessus.

Bref, arrivé sur les lieux et après un casting des trains, on se pose devant le wagon sélectionné. Je pose mon sac contre le mur du hangar. Juste au-dessus de ma tête un tag de Saeio. Il venait de mourir quelques jours avant, étrange coïncidence… Bizarrement je n’avais plus d’appréhension, j’étais même plutôt détendu. Juste impatient de voir le résultat final. J’ai passé trois heures inoubliables. C’était un 18 Août, la veille de l’anniversaire de ma fille.

#6 O’Clock XXXL

No comment.

#7 Domination sans partage

Infatigable domination territoriale. Impact visuel incontestable. Vue la collection de stores que j’ai d’eux, je pourrais en faire un livre.

#8 Rencontre Instagram

Pas plus tard que cet été, je loue une maison au bord de la mer, juste à côté de Montemarciano. D’un côté je vois la mer, de l’autre la voie ferrée. Ce qui me permet de bencher en maillot de bain du balcon, pratique.

Un soir en sortant de la maison, j’entends qu’on m’appelle par mon prénom, ça vient de l’autre côté des rails.

Je me retourne et je vois un gars que je ne connais pas qui me fait coucou en me disant : « c’est moi, Peans. »

On le voit en arrière plan sur la photo en train de faire un throwup sur la loco.

Je lui dis : « bouge pas, j’arrive. »

Je prends le tunnel souterrain et me je retrouve face à lui. Il m’explique qu’il me suit sur Instagram depuis que j’ai posté des throwups à lui et de son crew, les HSL, deux ans auparavant.

Truc de ouf de se faire interpeler comme ça. Comme je n’ai pas le temps de rester avec lui et ses potes, je lui laisse mon numéro de téléphone et lui propose de se capter pour prendre un verre plus tard dans la semaine.

Le lendemain, il m’appelle pour me dire que, dans la nuit, lui et son pote Tolp, au premier plan sur la photo, vont se faire le dépôt. Il me propose de les accompagner. Banco !

#9 Bouquet final à Aubervilliers

Le bouquet final d’une journée de marche de dingue. Une fois de plus, je me retrouve avec The Milkster. Ce jour-là, on est parti à 8h du matin pour trainer vers Aubervilliers et ses environs. On enchaine spots de ouf sur spots de ouf. A la mi-journée, on est contents de nos belles prises.

Vers le milieu de l’après-midi, on passe devant un immense terrain vague tout plat. Au fond on distingue quelques graffs et on décide de rentrer. Petite escalade facile.

En se dirigeant vers le fond du terrain vague pour voir les graffs, on aperçoit sur notre gauche un chemin qui semble monter vers un hangar. On se dit qu’on ira y jeter un coup d’œil après. Mis à part deux, trois trucs, il n’y avait rien de vraiment dingue au fond du terrain. On décide alors d’aller voir en haut du chemin que nous avions vu en entrant. Arrivés au bout, on distingue un hangar géant, cinquante mètres de long, peut-être plus encore. Un petit escalier de quatre marches et une porte qui s’ouvre sur un beau spectacle.

The Milkster me dit : « je ne regarde pas, c’est trop . »

Il y avait principalement des énormes pièces de Mosa dont celle-ci qui est ma préférée, et que je n’ai encore jamais partagée.

#10 Avec le Kid

Milan, c’est ma deuxième ville après Paris. Mon père y habite et j’y allais presque à chaque petite période de vacances scolaires.  Adolescent, j’ai commencé à sortir seul et à réellement découvrir la ville. C’est le début du mouvement hip hop, à Paris on a quelques longueurs d’avance. C’est par le biais de cette culture que je commence à rencontrer des gens et à me faire des potes. Des danseurs, des MC et bien sûr des graffeurs. J’avais la chance d’avoir un daron noctambule qui fréquentait la seule boîte de Milan où l’on passait du rap à l’époque. Mon père s’en foutait de cette musique, son pote était le proprio des lieux, pour nous c’était gratos.

Quelques années plus tard, je fais la connaissance de Kid. Il fait partie d’un crew milanais historique, les CKC.  Actif depuis 1991, il est connu et reconnu pour avoir été un gros maraveur de métros. Il fait aujourd’hui partie des graffeurs légendaires de la scène milanaise.

Je vais toujours à Milan très régulièrement. Kid s’est calmé, mais il continue de peindre de temps en temps, à la cool. Toujours dispo pour m’accompagner prendre des photos. J’attends avec impatience qu’il vienne à Paris.

#11 Trainspotting à Rome

J’ai la chance d’avoir de la famille à Rome, ce qui me donne l’occasion d’y aller très régulièrement. L’ambiance dans le métro est ouf, on se croirait à New York. Tous ces trains colorés qui défilent en continu me font tourner la tête. Mes favoris sont ceux qui ont uniquement les vitres nettoyées. C’est chanmé de voir les gens à l’intérieur, ça donne une atmosphère de dingue. Je m’étonne d’ailleurs qu’il n’y ait pas plus de livres sur le métro romain.

Le jour où j’ai pris cette tof, je me suis fait arrêter par les militaires. J’avais pris la confiance et au lieu de changer de station, j’étais resté plus d’une heure à prendre des métros dans la gueule.

A chaque fois, je me disais : « allez Max, t’en shootes un dernier et tu pars. »

Et puis un autre métro arrive et je reprends des tofs en oubliant le temps qui passe. Donc les militaires me contrôlent, je fais le touriste idiot qui ne comprend pas l’italien alors que c’est ma langue natale.

L’un deux parle vaguement anglais et me dit qu’ils m’ont vu prendre des photos et que c’est interdit. Je fais l’étonné dans le plus grand des calmes. Ils demandent à voir mes photos puis m’ordonnent de les effacer. Je reste serein et je leur dis que je ne peux pas tout effacer d’un coup car j’ai des photos de famille et qu’il faut que je les efface une par une.

Ma chance, c’est que je prends au minimum deux photos par pièce. Je fais défiler les photos en speed, j’en efface qu’une sur deux. Je n’ai perdu que cinq photos sur la cinquantaine que j’ai prises ce jour-là. Soit je suis un magicien, soit ils étaient complètement aveugles.

#12 La montagne du diable

Bienvenue à Teufelsberg, la montagne du diable. Je pense que c’est le spot d’Urbex qui m’a le plus impressionné en terme d’Histoire. Pour y arriver, il faut prendre le S-Bahn et sortir du centre-ville de Berlin. Puis une petite marche au milieu de la forêt de Grunewald.

Ce jour-là,  je suis en famille avec ma femme, ma fille et notre pote de Berlin, Florian. Sur la route, pas beaucoup de voitures.

Ma femme me dit : « on se croirait dans Le Projet Blair Witch. »

Après trente minutes de marche, on arrive dans ce lieu incroyable. A l’origine, c’est une colline artificielle sur laquelle il y avait une des plus grandes stations d’espionnage de la NSA après la Seconde Guerre mondiale.

L’endroit est facile d’accès quand on sait où il est situé. Et sa localisation n’est pas du tout un secret. Le spot est bien cartonné malgré le fait qu’il soit loin de tout. Je conseille à tous mes proches de passage à Berlin d’y aller, ne serait-ce que pour la vue imprenable du haut de la tour.

Plus de photos de Max di Montemarciano ici.